Utilisés dans les services financiers, les robots-conseillers fournissent des conseils de gestion d’actifs selon un algorithme automatisé, remplaçant les conseillers financiers de chair et d’os. Joseph Groia, Siobhan Mullan et Malcolm Mercer observent ce phénomène et se demandent s’il pourrait s’appliquer aux services juridiques. Les robots-conseillers seraient-ils une menace pour la profession, ou amélioreraient-ils l’accès à la justice ?
À quoi est-ce que ça peut bien servir ?
-- Robert Lloyd (ingénieur à la division des systèmes informatiques avancés d’International Business Machines), réagissant à des collègues qui affirmaient que le microprocesseur représentait la voie de l’avenir, autour de 1968
Les robots-conseils sont une nouvelle façon de faire, qu’on offre comme une solution de rechange efficace pour la réalisation de tâches coûteuses et de toute évidence routinières. Dans l’industrie financière, par exemple, les robots-conseillers ont maintenant le droit d’aider les conseillers en investissements dans leur prestation de service, à l’intérieur de certaines limites[1]. On doit faire une distinction extrêmement importante entre les quelques professions qui ont autorisé l’usage d’une telle forme de technologie et l’industrie juridique : être un bon avocat exige une interaction et une communication de bien plus haut niveau que ce que les robots-conseillers peuvent offrir.
Alors, à quoi est-ce que ça peut bien servir en ce qui concerne les services juridiques[ii] ?
Les robots-conseils et les services juridiques en ligne n’ont pas encore fait grand chemin au sein du marché canadien. Il y a une bonne raison à cela : ils constituent un fardeau pour la profession, car ils masquent la complexité du travail de l’avocat tout en garantissant que les robots-conseillers ne sont aucunement responsables des lacunes dans les services qu’ils offrent. Regardons de plus près quelques exemples.
Fournisseurs de documents
Les services juridiques qui sont présentement fournis par l’entremise de sites Web comme LegalZoom offrent différents types de documents juridiques à remplir, ce qui constitue une sursimplification grossière des questions juridiques sous-jacentes. « Votre usage des services ne crée pas de relation avocat-client entre vous et Rocket Lawyer, ni entre vous et tout employé ou représentant de Rocket Lawyer […] Rocket Lawyer fournit une plateforme d’information juridique et d’aide autonome [et] ne vérifie aucun renseignement que vous fournissez pour en valider la suffisance ou l’exactitude juridique, ne tire pas de conclusions juridiques, ne fournit pas d’opinion au sujet de votre choix de formulaire [le cas échéant], ni n’applique la loi aux faits de votre situation. »
Et cela, encore une fois, a été rédigé par un véritable avocat !
Ces types d’avis d’exonération contribuent à démontrer que malgré leur offre de services juridiques qui semblent compétents, ces sites ne seront aucunement responsables de l’exactitude des conseils qu’ils fournissent.
Conclusion
Ayant visité ces sites, nous n’avons pu nous empêcher de nous mettre à la place d’un profane. Même si les avis d’exonération disent très nettement que les sites n’offrent PAS de services juridiques, la réalité est que, intentionnellement ou pas, ils le font. Lorsqu’une personne qui comprend peu le système juridique se sert de ces sites Web, comment pourrait-elle déceler une erreur potentielle ou même remettre en question la validité des conseils offerts ? La suggestion implicite que le processus juridique peut se réduire à des solutions dans lesquelles il suffit de remplir les trous aggrave encore le problème. La complexité des problèmes juridiques forme une réalité inévitable, qui crée un besoin pour des professionnels juridiques formés, qui seront en mesure de représenter leurs clients correctement et de leur prodiguer des conseils.
Si nous suggérons que ces services représentent un lourd fardeau pour la profession, ce n’est pas parce que nous sommes « technophobes ». Cette opinion découle plutôt de notre préoccupation envers nos clients et envers la réputation que la profession s’est efforcée de bâtir. Si trop de clients créent des documents médiocres ou reçoivent des robots-conseils inadéquats, l’intérêt public en souffrira. Nous supposons qu’en fin de compte, cela créera plus de travail pour les avocats, qui devront régler ces problèmes, mais… à quoi est-ce que ça peut bien servir ?
[1] Même si un site Web de robot-conseil interactif peut servir à recueillir les renseignements de base sur le client, ces renseignements doivent être examinés par un représentant, et les obligations des gestionnaires de portefeuille demeurent les mêmes. Le représentant doit ensuite s’assurer que les renseignements de base ont été obtenus afin de soutenir l’obligation du bureau du gestionnaire à réaliser des déterminations convenables pour le client.
[2] Dans cet article, lorsque nous traitons d’avocats, de bonnes pratiques, de conseils et de services juridiques, nous incluons les parajuristes agréés et les avocats.
À propos des auteurs
Joseph Groia est avocat principal au sein de Groia & Company Professional Corporation. Il exerce dans le domaine des litiges liés aux sûretés et est avocat dans une vaste gamme de causes civiles, quasi criminelles, criminelles et administratives.
Siobhan Mullan travaille pour l’été chez Groia & Company et étudie le droit à Sherbrooke.