Être avocate de la défense est une partie de mon identité que je continue de développer. À mes débuts, un avocat chevronné m’a dit que pour réussir, je devais toujours rester humble et être consciente de ce que je ne sais pas, plus encore que de ce que je sais. C’est dans cet esprit que j’ai continué à faire preuve d’humilité, comme me l’ont appris mes parents immigrés pakistanais.
Un autre « conseil » que j’ai reçu était de garder mes cheveux attachés au tribunal. À l’époque, je n’y ai pas prêté attention et j’ai pensé que la femme qui me le recommandait avait de l’expérience, que son conseil devait donc avoir une certaine valeur. Avec le recul, je réalise à quel point ce conseil était mal avisé. J’ai passé une bonne partie de ma vie à essayer de cacher ma « différence ». Bien sûr, je n’ai pas beaucoup réussi, étant donné ma peau brune, mon bagage d’immigrée, mes tentatives pour cacher mon accent, le fait que je boive du jus de fruits dans les soirées plutôt que de l’alcool. Or, je me suis toujours sentie exclue à cause de mes tentatives ratées.
Ai-je vraiment passé toutes ces années à me battre pour entrer à la faculté de droit, puis à y réussir, pour ensuite me cacher et me fondre dans la masse, une masse qui est fortement dominée par les hommes blancs du côté de la défense en droit criminel ?
En raison de l’intersectionnalité de mon identité, je suis toujours consciente de mon apparence. Dès que j’entre dans un espace, avant même que l’on sache quoi que ce soit de moi, on me juge. Tout le monde suppose que je suis une interprète judiciaire, une assistante juridique, une agente, ou l’assistante de M. XYZ — debout à côté d’un homme blanc, une femme brune ne peut, logiquement, qu’être son adjointe, non ?
J’ai un grand respect pour le droit et les règles de nos salles d’audience. Mais je n’ai pas besoin d’une leçon d’étiquette. Si vous avez déjà rencontré une personne d’origine pakistanaise, vous savez que les règles de l’étiquette nous sont inculquées par nos parents bien-aimés. Je demande donc aux avocats d’expérience, lorsqu’ils donnent des conseils à de jeunes avocats qui les admirent, d’être conscients du pouvoir de leurs mots. Ne donnez pas de conseils qui apprennent aux jeunes femmes racialisées à se minimiser ou à jouer petit. Je me demande maintenant si cette avocate m’a dit de ne pas détacher mes cheveux parce qu’ils sont un peu volumineux, bouclés, ondulés et frisés. Est-ce que des cheveux blonds et raides seraient plus « acceptables » dans une salle d’audience ? Cela vous mettrait-il plus à l’aise ? C’est comme ça qu’on intériorise le regard des Blancs. Mais j’ai maintenant la maturité de savoir qu’il n’est pas de mon devoir de vous mettre à l’aise par ma présence. Je n’ai pas besoin d’une permission permanente pour prendre de la place. J’ai plus que mérité ma place.
En ce qui concerne le deuxième conseil que j’ai reçu, s’il est sage de toujours être conscient de ce que l’on ne sait pas, ce conseil ne vous mène pas très loin pour relever de nouveaux défis, comme dire à votre patron (si vous travaillez pour quelqu’un) que vous êtes prêts à faire votre premier procès. Bien sûr, notre apprentissage ne doit jamais mettre en péril nos clients, dont les intérêts sont notre priorité absolue, mais dans notre profession d’avocat de la défense, vous devez défendre vos intérêts même lorsque c’est très inconfortable. C’est quelque chose qu’on ne nous apprend pas à la faculté de droit.
Alors, détachez vos cheveux — si vous en avez envie. Ou laissez-les attachés. Ou faites-en ce que vous voulez. En fin de compte, on se souviendra de vous pour votre plaidoyer, votre préparation, votre organisation, votre collégialité et bien plus encore que de votre peau brune et de vos cheveux.