Nous nous trouvons à un moment charnière de l’histoire, alors que la quatrième révolution industrielle se déroule sous nos yeux. Il est cependant facile de sous-estimer son importance, car nous sommes immergés dans ses courants transformateurs. La quatrième révolution industrielle est une période caractérisée par la convergence de nos technologies les plus avancées, forgeant des outils puissants qui amplifient les capacités inhérentes que la nature nous a accordées. L’apprentissage en profondeur, la génomique, l’informatique cognitive, DeepDream, la reconstruction de scènes, la détection d’objets, la détection d’événements, la reconnaissance d’activités, le suivi vidéo, la reconnaissance d’objets, l’estimation de mouvements, l’asservissement visuel, la modélisation de scènes en 3D, la restauration d’images, la biotechnologie, l’Internet et l’impression 3D, tous soutenus par l’intelligence artificielle, sont les moteurs de cette révolution.
Pour qu’une innovation soit considérée comme le catalyseur d’une révolution industrielle, elle doit répondre à quatre critères essentiels. Premièrement, elle doit entraîner un changement profond des méthodes de production et de fabrication, tout comme la machine à vapeur a révolutionné les usines et les transports au cours de la première révolution industrielle. Deuxièmement, elle doit déclencher un bouleversement économique marqué par une croissance accélérée, une augmentation de la productivité et la transformation des industries existantes, conduisant à la création de nouveaux secteurs et marchés, comme l’ont illustré l’électricité et l’industrie pétrolière au cours de la deuxième révolution industrielle. Troisièmement, elle doit avoir des conséquences sociales et démographiques. La nouveauté doit remodeler les modèles d’emploi, promouvoir l’éducation et la formation, stimuler le débat et favoriser la mobilité sociale, voire catalyser d’importants mouvements de migration de la main-d’œuvre. Quatrièmement, elle doit laisser une empreinte technologique durable, semblable à la révolution informatique de la troisième révolution industrielle.
Le Canada à l’avant-garde de la transformation induite par l’IA
Au cours des quatre dernières décennies, l’intelligence artificielle est devenue une pierre angulaire de la vie moderne et un moteur de la quatrième révolution industrielle. Le Canada est à l’avant-garde de cette transformation, avec des contributions importantes dans les domaines de l’IA, des technologies vertes et des jeunes entreprises technologiques. Les progrès du Canada dans ces domaines s’appuient sur un secteur du capital de risque solide qui a été le moteur de la croissance économique du pays, avec des investissements qui sont passés de 1,8 milliard USD en 2014 à 9,4 milliards USD en 2021. Cet essor a été soutenu par des initiatives gouvernementales telles que le Plan d’action pour le capital de risque et l’Initiative de catalyse du capital de risque. Ces programmes ont joué un rôle crucial dans la revitalisation du paysage du capital de risque au Canada et dans l’amélioration de son écosystème d’innovation.
Les paysages du capital de risque et de l’IA évoluent rapidement, affectant profondément différents secteurs, y compris le domaine juridique au Canada. Le développement de l’IA, mené par des pionniers canadiens comme Geoffrey Hinton (parrain de l’IA), Ilya Sutskever (cofondateur d’OpenAI), Alex Krizhevsky (concepteur d’AlexNet) et Aidan Gomez (contributeur au projet Transformer de Google), a vu des applications dans différents domaines comme la traduction automatique, le résumé de documents, la production de documents, la reconnaissance d’entités nommées, l’analyse de séquences biologiques, l’écriture de codes informatiques et la compréhension de vidéos. Cette croissance présente à la fois des occasions à saisir et des défis, qui ont un impact important sur le paysage juridique canadien. À mesure que l’IA s’intègre dans la société, elle soulève des questions complexes pour les législateurs, notamment en ce qui concerne la désinformation, les atteintes à la vie privée, la prise de décision biaisée, la militarisation de l’IA, les inégalités économiques, l’érosion démocratique, les pratiques monopolistiques, les pertes d’emploi et les dilemmes éthiques. Le traitement de ces questions nécessite des efforts concertés de la part des décideurs politiques, des technologues et des professionnels du droit pour naviguer dans l’interaction complexe entre les progrès de l’IA et les impacts sociétaux.
Le rôle de la collectivité juridique dépasse les frontières traditionnelles
Nous devons anticiper l’évolution de la collaboration entre les humains et les machines pensantes et nous préparer à son impact sur notre vie quotidienne, en particulier dans notre travail. L’IA s’est déjà infiltrée dans différents domaines. Des scientifiques de différentes disciplines, de la génétique à la physique, confient à l’IA l’analyse de données, ce qui leur permet d’obtenir des conclusions précises et des modèles exacts. L’IA contrôle les systèmes d’automatisation, gère la maintenance des machines et optimise les processus dans des domaines allant du transport à la distribution d’énergie. L’IA est devenue indispensable dans le secteur financier, aidant les opérateurs de marché, les gestionnaires de fonds et les banquiers à naviguer dans des paysages économiques complexes. En outre, des versions avancées de robots conversationnels sont utilisées en thérapie mentale pour soutenir les patients et faciliter les diagnostics préliminaires.
Dans ce paysage en évolution, le rôle de la collectivité juridique dépasse les frontières traditionnelles. Les avocats sont devenus des pionniers, naviguant dans le lien complexe entre la technologie, le droit et la société. Les discussions sur l’IA, la protection des données et les politiques économiques équitables nécessitent des efforts concertés de la part des avocats pour défendre des cadres réglementaires modernisés. Cette implication proactive va au-delà du devoir professionnel ; elle représente une responsabilité sociétale pour s’assurer qu’à mesure que le Canada progresse dans cette ère technologique, ses cadres juridiques évoluent en parallèle pour protéger les intérêts des citoyens et l’intégrité économique de la nation.
Les juristes doivent s’engager dans ces dialogues et comprendre les implications de l’IA et de la technologie sur le droit et les normes sociétales. Des défis comme le déplacement d’emplois dû à l’automatisation appellent à une réévaluation du droit du travail, tandis que le fossé de pouvoir entre les secteurs public et privé, notamment en ce qui concerne l’accès aux données et les capacités de formation à l’IA, nécessite un cadre juridique solide pour garantir l’équité et la justice. Grâce à une défense des intérêts éclairée et à une collaboration avec les technologues et les décideurs politiques, les juristes doivent être prêts à naviguer dans le domaine complexe de l’IA, en veillant à ce que la justice progresse au même rythme que la technologie.
Veiller à ce que l’intégration de l’IA dans tous les secteurs respecte les normes éthiques et juridiques
Au sein du système de santé, le déploiement de l’IA élargit les horizons grâce à ses analyses prédictives, ses capacités de diagnostic et ses approches de médecine personnalisée. Sybil et Cyto-AiSCAN peuvent détecter les signes précoces du cancer. Ces avancées promettent des améliorations substantielles dans la prestation des soins de santé. Cependant, elles soulèvent également des questions complexes concernant la confidentialité des données, le consentement et les biais algorithmiques. C’est là que le rôle des juristes spécialisés en droit médical devient crucial. Ils devraient servir de pivot pour garantir que l’intégration de l’IA dans les soins de santé respecte les normes éthiques et juridiques, protégeant ainsi les droits et les intérêts des patients.
En ce qui concerne le secteur de l’emploi et du travail, l’histoire de l’IA est différente. L’automatisation des tâches routinières grâce à des outils d’IA comme ChatGPT est une arme à double tranchant. Si l’un des côtés renforce l’efficacité et la productivité sur le lieu de travail, l’autre fait planer l’ombre d’un déplacement d’emplois. Les praticiens du droit du travail et de l’emploi sont à l’avant-garde de ce récit, plaidant pour des politiques qui contrent les impacts négatifs sur l’emploi. Leur action doit viser à faciliter la transition des travailleurs vers de nouvelles fonctions dans un contexte d’évolution de la dynamique de la main-d’œuvre, en garantissant la justice et l’équité dans les pratiques d’emploi.
Dans la sphère financière, l’infusion de l’IA aide considérablement à l’évaluation des risques et à la gestion des actifs, marquant une étape vers l’amélioration des opérations financières. Toutefois, cette étape nécessite un cadre juridique solide pour garantir la transparence, la responsabilité et l’équité. Les juristes ayant une solide expérience de la réglementation financière devraient être les porteurs de flambeau de la création et de l’application de ces cadres juridiques. Leur expertise est essentielle pour prévenir les fautes financières induites par l’IA et fournir un filet de sécurité aux investisseurs individuels et à l’écosystème économique dans son ensemble.
L’histoire de l’IA s’étend au secteur de l’éducation, où son intégration dans les plateformes éducatives réécrit les méthodes d’enseignement et d’apprentissage conventionnelles. L’IA promet un royaume d’expériences d’apprentissage personnalisées, transcendant le modèle unique. Toutefois, cette promesse n’est pas sans susciter des inquiétudes, notamment en ce qui concerne la confidentialité des données, l’accessibilité et l’équité des algorithmes. Les professionnels du droit devraient assumer la responsabilité de veiller à ce que les technologies éducatives basées sur l’IA respectent les normes juridiques et éthiques. Leur diligence devrait favoriser un environnement éducatif équitable, en veillant à ce que les avantages de l’IA dans l’éducation soient accessibles à tous.
Une synergie indispensable entre le droit, la défense des intérêts et les politiques économiques
Les domaines, secteurs et champs juridiques décrits ici ne représentent qu’une fraction de l’impact considérable que l’intelligence artificielle est sur le point d’exercer à la fois sur notre cadre sociétal et sur le paysage juridique. Qu’en est-il des litiges en matière de propriété intellectuelle dans le domaine du droit des affaires qui découlent de contenus créés par l’IA ? Des biais et erreurs potentiels dans la prise de décision en matière d’immigration en raison de l’implication de l’IA ? Du risque de falsification de preuves dans les litiges civils par l’entremise de documents ou d’images générés par l’IA ? Des condamnations injustifiées en droit pénal en raison d’une analyse erronée des preuves ? Du rôle de l’IA dans la présentation erronée d’actifs financiers ou d’informations personnelles dans les affaires de droit de la famille ? De l’influence de l’IA sur les évaluations immobilières et les prévisions de marché, ce qui a des répercussions sur le droit immobilier ? De l’implication de l’IA pour compliquer la détection de l’évasion fiscale en droit fiscal ? De l’impact sur la planification successorale et la gestion des fiducies, susceptible de provoquer des litiges dans le domaine du droit des fiducies et des successions ?
Il est impératif que les professionnels du droit s’adaptent aux exigences de cette époque de transformation, en contribuant assidûment à forger un avenir plus sûr et plus propice pour la société canadienne. Les contours changeants de la quatrième révolution industrielle soulignent l’indispensable synergie entre le droit, la défense des intérêts et les politiques économiques pour guider le Canada dans le paysage économique mondial. Les efforts collectifs de la collectivité juridique, des décideurs politiques et des acteurs de l’industrie sont essentiels pour garantir que le Canada ne reste pas seulement à flot, mais qu’il navigue habilement dans ces courants mondiaux.
En favorisant une défense éclairée des intérêts en cause, en développant des politiques économiques stratégiques et en établissant un cadre juridique tourné vers l’avenir, le Canada peut considérablement améliorer sa résilience économique, son leadership mondial et le bien-être de la société dans cette ère industrielle dynamique. Alors que le Canada se tourne vers un avenir marqué par cette révolution industrielle, la collaboration entre les domaines du droit, de la technologie et de l’économie continuera d’être cruciale pour naviguer dans les complexités dynamiques de l’économie mondiale.
À propos de l’auteur
Yoann Emian est diplômé des sections de droit civil et de common law de l’Université d’Ottawa. Il est inscrit en tant que candidat à la licence auprès du Barreau de l’Ontario et du State Bar of California. Ses domaines d’intérêt sont l’entrepreneuriat, les jeunes entreprises, le capital de risque et le capital-investissement. Il est rédacteur en chef du bulletin d’information de la section étudiante de l’ABO. Dans son temps libre, il défend la santé mentale, les droits des enfants et les droits des groupes marginalisés.