Nombreuses sont les personnes qui introduisent leur animal de compagnie dans une relation ou qui, en tant que couple, adoptent ou achètent un animal pour leur foyer. Avec l’augmentation du nombre de personnes travaillant à domicile, nous avons vu le nombre d’animaux domestiques dans les foyers augmenter au cours de la pandémie. La question est donc de savoir comment gérer ces petits membres de la famille à poils lors d’une séparation.
Dans ma pratique en tant qu’avocate spécialisée en droit de la famille, j’ai vu le nombre d’affaires impliquant des animaux domestiques augmenter. J’ai surtout eu affaire à des chiens et des chats, mais il est arrivé que des poissons, des oiseaux et même des escargots nagent, volent ou traversent lentement mon bureau.
Les gens sont attachés à leurs animaux de compagnie. Beaucoup d’entre eux se battront pour eux avec force ou voudront au moins passer du temps avec eux après la séparation. S’il y a des enfants, certaines personnes accepteront que l’animal voyage avec l’enfant lors des échanges parentaux. D’autres établiront un calendrier distinct pour l’animal. Certaines personnes sont prêtes à partager leurs animaux de compagnie s’il y en a plus d’un. D’autres acceptent de s’en séparer, mais veulent négocier des conditions qui garantissent que l’on s’occupe de leurs animaux. Toutefois, si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord, les avocats spécialisés en droit de la famille doivent alors se tourner vers la jurisprudence pour voir comment ils peuvent aider au mieux les parties, tant au tribunal qu’à l’extérieur — et oui, ces affaires peuvent se rendre jusqu’au tribunal.
Traditionnellement, les tribunaux canadiens ont considéré et traité les animaux de compagnie comme des biens. Les juges ne tenaient pas compte des liens affectifs entre les animaux et leurs propriétaires. Au lieu de cela, les tribunaux posaient des questions telles que :
- Qui a payé pour l’animal ?
- S’il a été adopté, qui a pris l’initiative de l’adoption, en signant les documents et en effectuant les démarches nécessaires pour mener à bien le processus ?
- L’une des parties était-elle propriétaire de l’animal avant la relation ?
Si les réponses aux questions précédentes ne sont pas claires, ou s’il y a eu un prétendu changement de propriétaire, d’autres questions peuvent être posées, comme :
- Qui a payé les soins de l’animal, comme la nourriture, les médicaments et les factures du vétérinaire ?
- Qui s’est occupé des besoins fondamentaux de l’animal, comme le promener, nettoyer son espace comme une cage ou une litière, qui l’a nourri ?
- Qui était le plus impliqué, dans l’ensemble, auprès de l’animal ?
L’objectif de l’approche traditionnelle, cependant, est de déterminer la propriété légale de l’animal et qui a un intérêt patrimonial dans l’animal.
Ce qui est intéressant, cependant, c’est que si l’approche traditionnelle continue d’être l’approche prédominante pour traiter les animaux de compagnie au tribunal, nous avons constaté un élargissement des perspectives et des considérations dans les causes plus récentes. Cette approche est connue sous le nom d’« approche relationnelle » ou d’« approche compassionnelle ». Une analyse à travers cette optique prendrait toujours en compte les facteurs de l’approche traditionnelle, mais examinerait également un plus large éventail d’éléments, notamment :
- La relation entre les parties et l’animal de compagnie pendant toute la durée de la relation entre les parties.
- Qui a manifesté le plus d’affection pour l’animal ?
- Existe-t-il des accords entre les parties concernant la propriété ?
- Qui a assumé le plus de responsabilités en ce qui concerne les soins de l’animal ?
- Que s’est-il passé avec l’animal après que la relation entre les parties a changé ?
- Quelle partie peut offrir ce qu’il y a de mieux pour l’animal ? Par exemple, qui peut passer plus de temps avec l’animal et qui dispose d’un meilleur espace et d’un meilleur aménagement pour l’animal, comme une cour pour un chien ?
Bien que ces affaires ne soient souvent pas signalées, plusieurs d’entre elles, au cours des dernières années, ont traité spécifiquement de la question de savoir qui garde le chien en cas de séparation (voir Coates c. Dickson, 2021 CSON 992, où la juge Baltman a déclaré que « la propriété d’un chien est un investissement qui va au-delà du simple prix d’achat »).
Nous avons également vu la question de savoir qui obtient l’animal de compagnie être traitée dans le cadre d’une analyse de fiducie constructoire (ou fiducie par interprétation), en examinant si une partie a été enrichie alors que l’autre a été privée. Dans l’affaire Duboff c. Simpson, 2021 CSON 4970, la juge Papageorgiou a conclu que la partie qui présentait la demande de fiducie constructoire ne pouvait pas démontrer qu’elle avait été privée par le temps qu’elle avait consacré et les contributions qu’elle avait apportées aux soins de l’animal au profit de son ex, car, en fin de compte, elle avait agi par amour et par souci de l’animal. Les parties étaient en relation et participaient ensemble aux soins du chien. Il n’y avait aucune autre raison de conclure à un enrichissement sans cause.
C’est un domaine qui continue à évoluer. La relation que les gens entretiennent avec leur animal de compagnie et la place que celui-ci occupe dans leur famille ne correspondent plus au cadre juridique historique. Cela dit, les différentes approches s’accompagnent d’incertitudes et de ce que les juristes aiment appeler une « zone grise ».
En tant qu’avocate, s’occuper d’une demande concernant un animal de compagnie peut être imprévisible. À ce stade, il est difficile de savoir si un juge suivra le modèle plus traditionnel ou le modèle relationnel. C’est un choix difficile, c’est pourquoi les gens sont encouragés à négocier leurs règlements pour animaux de compagnie en dehors de la salle d’audience. Cela dit, que ce soit au tribunal ou à l’extérieur, les arguments fondés sur les deux approches sont possibles, alors attachez-vous et préparez-vous — vous risquez de passer… un temps de chien.
À propos de l’autrice
Olivia Koneval-Brown est l’une des avocates spécialisées en droit de la famille du cabinet Mann Lawyers LLP à Ottawa et exerce dans ce domaine depuis qu’elle est devenue membre du barreau en 2016. Elle est membre de la Division Est des jeunes juristes depuis quelques années déjà.
Une version de cet article a d’abord été publiée sur la page des articles de la Division des jeunes juristes de l’ABO.