illustration of an AI bot and a human woman communication through laptops

Soigner ses requêtes porte ses fruits avec l’IA générative

  • 13 juin 2024
  • Emily Sinkins

Confieriez-vous une tâche à un outil d’IA générative de la même manière que vous la confiez à un stagiaire ? La réponse, si on se fie à la discussion éclairante sur la « perfection des requêtes » que l’ABO a organisée dans le cadre de sa série Chat GPT for Lawyers, est oui… et non.

En proposant des tactiques efficaces pour la conception de requêtes, les intervenants Monica Goyal, de Carvel Law, et Al Hounsell, de Norton Rose Fulbright, ont souligné que l’IA générative fonctionne de manière optimale quand on lui offre des instructions précises, étape par étape, comme le ferait un nouveau membre de votre équipe, mais que les éléments de la tâche qu’on lui confie doivent être décomposés encore plus lorsqu’on utilise des outils qui n’ont pas la même formation qu’un stagiaire sur, par exemple, ce qu’implique un mémoire juridique (bien que, et c’est important, que le résultat provienne d’un humain ou d’une machine, vous êtes tout aussi responsable l’examiner minutieusement). Les outils d’IA générative — qu’il s’agisse d’outils largement utilisés, comme Chat GPT, Gemini, Claude ou Copilot, ou d’outils juridiques, comme Harvey CoCounsel, Lexis+ AI ou Vincent — sont plus utiles lorsqu’on leur fournit un contexte clair. Les rédacteurs de requêtes compétents sont des administrateurs diligents. Voici cinq stratégies parmi d’autres que Me Goyal et Me Hounsell ont partagées pour préparer le terrain de la manière la plus efficace possible.

1. Assignez un persona

La première étape vers la perfection en matière de requêtes consiste à définir le rôle de l’agent d’intelligence artificielle, c’est-à-dire à indiquer à l’outil selon quelle personnalité il doit raisonner et répondre. C’est ce que l’on appelle « assigner un persona » — les personas qui pourraient être pertinents pour les avocats, selon le type de tâche pour laquelle vous avez besoin d’aide, comprennent l’assistant juridique, l’expert, l’avocat de la partie adverse, le générateur d’idées, l’enseignant et le critique. Me Hounsell note que pour les outils d’IA spécifiques au droit — formés sur des données juridiques et entraînés pour effectuer des tâches juridiques — certaines de ces requêtes ou la compréhension du rôle peuvent être intégrées à l’arrière-plan. Quoi qu’il en soit, plus vous serez précis, mieux ce sera, car la manière dont vous attribuez le persona « influence réellement chaque aspect de la manière dont le modèle va interpréter la requête, ainsi que le résultat de la requête ». À titre d’exemple, il explique que l’on peut situer l’outil d’IA de la manière suivante : « Vous êtes un juriste de la province de l’Ontario et vous avez le souci du détail ». Cela donne à la fois une idée du contexte juridictionnel et de la rigueur qu’exige la tâche.

2. Soyez conscient des limites dès le départ

Les deux intervenants soulignent qu’il est généralement utile d’adapter la tâche à l’outil (différents GML — grands modèles de langage — ont des capacités différentes) et de comprendre les limites du modèle que vous utilisez, de sorte que les instructions que vous donnez dans votre requête soient facilement exploitables. La fenêtre contextuelle, c’est-à-dire la quantité de texte ou de jetons que le modèle peut accepter en entrée, est une limite importante à prendre en compte. Comme le fait remarquer Me Goyal, si vous souhaitez que l’IA génère un texte long (un essai de 20 000 mots, par exemple), « vous devrez peut-être structurer vos requêtes de manière à rédiger cet essai en plusieurs parties ». Ou, dans le cas improbable où vous souhaiteriez que l’outil analyse des millions de documents, vous pourriez avoir besoin de générer des résumés de documents pour les adapter à la fenêtre contextuelle. Si Me Goyal insiste sur le fait que « moins n’est pas mieux » lorsqu’il s’agit d’orienter le comportement de l’outil, de meilleurs résultats sont souvent obtenus en divisant les requêtes en plus petits morceaux : « J’ai constaté que si vous lui donnez trop d’informations (en une seule fois), il perd parfois le fil. »

Les intervenants ont encouragé les utilisateurs à garder à l’esprit d’autres limites : l’outil a-t-il été formé récemment (dans quelle mesure ses informations sur les événements actuels sont-elles à jour et précises ?) ? Peut-il accéder à l’Internet en temps réel ? Peut-il utiliser les mathématiques ? Quels types de formats peut-il produire : des présentations, des graphiques, des vidéos… ? Pouvez-vous téléverser un document pour produire des résultats plus pertinents ? Les réponses à ces questions auront une incidence sur votre demande, sans parler de l’usage que vous ferez de l’outil en question.

3. Structurez efficacement la tâche

Les panélistes s’accordent pour dire que des instructions claires, détaillées et séquentielles sont essentielles lorsqu’il s’agit de diriger des modèles d’IA. La décomposition de la tâche en tous ses éléments, avec une approche du type « fais d’abord ceci, puis cela », « puis répète cette étape pour cet autre élément », permet d’obtenir des résultats optimaux. Chacune de ces étapes doit commencer par un mot d’action décrivant ce que vous attendez du modèle (par exemple : clarifier, créer, trouver, générer, écrire/réécrire, traduire, repérer, expliquer, rédiger). À titre d’exemple, Me Goyal propose de demander à l’outil de « mettre en évidence les principales faiblesses de notre dossier et d’exposer les arguments que nous pourrions utiliser pour les atténuer » ou de « rédiger un message de 50 mots sur LinkedIn pour moi afin de promouvoir mon infolettre ». Dans ce dernier cas, elle n’utilisera peut-être pas les résultats de l’outil, mais ils lui offriront un point de départ à partir duquel travailler. Me Hounsell ajoute qu’il est également possible d’adopter une approche davantage axée sur la chaîne de pensée. Pour les tâches dont les composantes ne vous sont pas familières, vous pouvez, après avoir assigné un persona, demander au modèle de décrire les étapes pour vous — et lui demander de les exécuter.


4. Fournissez un contexte approprié

Selon Me Hounsell, le contexte est crucial. Vous pouvez éviter les erreurs d’interprétation de l’IA en l’appuyant sur des informations précises : vous pouvez téléverser des documents pertinents ; vous pouvez utiliser des extraits de jurisprudence et de lois pour guider l’analyse juridique de l’IA ; et vous devriez, comme indiqué, fournir un contexte juridictionnel en incorporant dans votre requête des formulations comme « conformément aux lois de l’Ontario » ou « cette personne se trouve en Ontario ». Selon Me Hounsell, ces détails « réduiront considérablement le risque d’hallucinations de l’IA, car vous aurez rempli la fenêtre contextuelle de l’outil avec des données réelles. » Il convient de garder à l’esprit un élément essentiel, que les présentateurs ont souligné dès le départ : il ne faut jamais utiliser les outils de GML/d’IA générative pour les affaires des clients lorsque l’outil stocke ou est formé à partir des données de ces derniers. Les outils de GML dont les données sont conservées en toute sécurité dans votre propre environnement sont ceux qu’il faut utiliser pour le travail avec les clients — jamais les outils gratuits.


5. Fixez des contraintes précises pour les résultats

En ce qui concerne le résultat que vous recherchez, vous pouvez définir les contraintes d’une manière qui ne vous serait pas venue à l’esprit. Outre le format (tableau, courriel, mémoire, résumé, etc.) et le type de média (texte ou image), vous pouvez également préciser un style et un ton pour le résultat (par exemple, l’adapter au style de la communication juridique officielle). Lorsque vous indiquez à l’outil ce qu’il doit inclure dans ses résultats, n’oubliez pas de lui préciser si vous souhaitez qu’il exclue certaines choses (par exemple, « ne pas tenir compte de ces années ou de ces décisions précises pour l’analyse »). La plupart des conseils donnés par les panélistes se résument à ce que l’on appelle une « requête sans exemple » — fournir le persona, la tâche, le contexte, les contraintes et la description du résultat — mais Me Hounsell note que, dans certains cas, vous pouvez essayer une « requête avec quelques exemples », dans laquelle vous guidez l’outil en lui donnant quelques exemples des paires d’entrées et de sorties souhaitées. Selon Me Hounsell, cela peut « aider le modèle à comprendre les résultats ».

La puissance d’un processus itératif

La clé de la « perfection en matière de requêtes » est de savoir qu’il n’est pas nécessaire d’accepter le résultat s’il ne répond pas à vos besoins — vous pouvez continuer à l’affiner. « La véritable puissance de ces outils réside dans l’approche itérative qu’ils permettent d’adopter », explique Me Goyal. Après avoir examiné votre résultat, vous pouvez « réfléchir à la manière dont vous pourriez modifier la requête, (puis) la modifier et faire en sorte que l’outil reformule ou régénère le résultat ». Ce qui fonctionne dans un contexte donné peut ne pas fonctionner dans un autre, d’où l’intérêt de « faire preuve d’un peu de souplesse dans votre approche », explique Me Goyal. Lorsque vous trouvez une requête qui fonctionne bien, assurez-vous de l’enregistrer dans un document Word si l’outil ne le fait pas pour vous. Me Goyal encourage également la création d’une habitude quotidienne d’utilisation de l’IA générative, en employant des outils d’IA pour des tâches qu’elle pourrait effectuer avec d’autres programmes, juste pour « développer cette compétence ». Les GML apprennent, mais vous aussi ! « Ne vous découragez pas si cela ne fonctionne pas tout de suite, conseille Me Goyal. Persévérez, continuez d’essayer, continuez d’utiliser les outils, et vous y arriverez ».

Le programme « Prompting Perfection » présidé par Fabian Suárez-Amaya, d’Osler, Hoskin & Harcourt, peut être visionné dans son intégralité ici.