Les avocats ont joué des rôles de premier plan dans tous les chapitres du progrès social — en tant que défenseurs et agents de la justice — mais, lorsqu’il s’agit d’une réconciliation porteuse de sens, les tribunaux, bien que centraux, ne peuvent pas nous mener plus loin. Pour les avocats Andrew Stobo Sniderman et Douglas Sanderson, il est clair qu’un changement est nécessaire sur le plan politique — un changement qui ne peut venir que d’une meilleure compréhension de l’histoire des peuples autochtones sur cette terre.
Diffuser la vérité vers un large public — de manière factuelle, personnelle et convaincante — c’est ce qu’ils ont entrepris de faire avec Valley of the Birdtail, une histoire vraie de racisme et de réconciliation centrée sur deux familles, une blanche et une autochtone, et deux collectivités, la ville de Rossburn et la réserve indienne de Waywayseecappo. Lors d’un événement intime du club de lecture communautaire de l’ABO, les auteurs ont parlé aux membres de l’Association du pouvoir des récits pour changer les cœurs, les esprits et les choix politiques, du sacrifice réel que la réconciliation exige, et de l’action qu’ils espèrent inspirer avec leur travail. Vous trouverez ci-dessous quelques citations captivantes tirées de cette conversation cruciale.
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Aller au-delà des tribunaux pour promouvoir le changement social
« Je pense que les avocats ont cette idée que beaucoup de progrès sociaux peuvent être réalisés par l’entremise des tribunaux. Et je pense que c’est souvent, ou du moins parfois vrai, et peut-être dans l’histoire récente, du moins en ce qui concerne les questions autochtones, que beaucoup de bonnes choses se sont produites à la Cour suprême, avec les litiges en matière de responsabilité délictuelle qui ont conduit au règlement relatifs aux pensionnats autochtones et à la Commission Vérité et Réconciliation et beaucoup de choses concernant les titres autochtones… mais je pense que les tribunaux ne vont pas nous sauver. Dans le cadre de la décision d’écrire une histoire narrative qui touche un large public, nous voulons aller plus loin, d’une manière vraiment intime et personnelle, pour aller au-delà des tribunaux et essayer de pousser à un certain changement social de cette manière. » — Andrew Stobo Sniderman
Il est difficile de créer un élan autour de grandes idées lorsque personne ne connaît l’histoire
« Le texte est l’aboutissement d’une lente prise de conscience que les problèmes ne sont pas vraiment juridiques. Écoutez, nous pouvons essayer, vous savez, de regrouper les problèmes en diverses causes d’action, et ensuite, nous pouvons plaider pendant des décennies, mais c’est un projet vraiment forcé et tendu, parce que les questions concernent vraiment l’égalité politique, la façon dont nous allons vivre côte à côte. Et ce sont essentiellement des choix politiques. Valley of the Birdtail nous permet donc de diffuser un récit historique qui, selon nous, peut servir de base à de nouveaux choix politiques. Il est très difficile de susciter un élan autour de grandes idées lorsque personne ne connaît l’histoire. » — Douglas Sanderson
Un contexte dans lequel les gens peuvent juger des options politiques normatives dans le présent
« Nous essayons de créer un terrain de jeu historique et factuel équitable, afin que les revendications autochtones contemporaines en matière de justice s’inscrivent dans un contexte approprié. Et c’est la pièce qui manque vraiment à la plupart des gens. Les revendications de justice actuelles sortent en quelque sorte de nulle part. Et nous voulons être en mesure de montrer que non seulement il y a une longue histoire de ces politiques oppressives, mais qu’en fait les politiques sont conçues pour fonctionner main dans la main, l’une avec l’autre. Ce n’est pas seulement que les pensionnats étaient épouvantables, mais ils étaient épouvantables et conçus pour fonctionner en conjonction avec le système de laissez-passer afin que les parents ne puissent pas rendre visite à leurs enfants. C’est donc le fait de voir toutes ces pièces tissées ensemble qui, je pense, établit un contexte potentiel à partir duquel les gens pourraient juger des options politiques normatives de nos jours. » — Douglas Sanderson
L’idée que nous allons juste trébucher dans un avenir meilleur est une pensée magique
« Je pense que ce que je veux que les gens fassent, c’est qu’une fois qu’ils ont tous les faits, la réconciliation que j’espère n’est pas entre les peuples autochtones et les colons ; en premier lieu, je veux que les colons se réconcilient avec le fait que les choses doivent changer, et que cela ne va pas être gratuit. L’idée que nous allons simplement, vous savez, trébucher vers un avenir meilleur est une pensée magique. Les gens doivent se faire à l’idée qu’ils vont devoir faire des choses, que ces choses vont coûter de l’argent, que ces coûts seront imposés sur plusieurs générations, que l’égalité peut nécessiter de renoncer à certaines choses. Et je pense que c’est ce genre de réconciliation que j’ai besoin de voir se produire parmi mes collègues et alliés colons. Jusqu’à présent, la réconciliation s’est résumée à l’idée qu’un certain nombre de choses allaient se produire et que tout le monde serait heureux. Mais le fait est qu’entre ici et là, il y a beaucoup de travail et de sacrifices, et c’est une chose avec laquelle les gens doivent se réconcilier. » — Douglas Sanderson
Partager notre meilleure vision de l’avenir
« Nous avons un grand chapitre à la fin, rempli de nos prescriptions politiques, et c’est un choix narratif délibéré pour charger la fin du texte avec, OK, voici ce que nous pensons. Nous n’avons peut-être pas raison, mais nous voulons partager notre meilleur point de vue et ce à quoi ressemble l’avenir. Et cela implique de repenser le fonctionnement de la péréquation et la manière d’habiliter les gouvernements autochtones de manière importante, ce qui n’est toujours pas le cas dans la majeure partie du pays. Je suis donc heureux que nous ayons pris le taureau par les cornes à la fin et, pour tous ceux qui l’ont lu, je suis heureux d’en parler à tout moment. » — Andrew Stobo Sniderman
À propos des auteurs
ANDREW STOBO SNIDERMAN est un écrivain, un avocat et un boursier Rhodes de Montréal. Il a écrit pour le New York Times, le Globe and Mail et Maclean’s. Il a également plaidé devant la Cour suprême du Canada, a été conseiller en matière de politique des droits de la personne auprès du ministre canadien des Affaires étrangères et a travaillé pour un juge de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud.
DOUGLAS SANDERSON (AMO BINASHII) est titulaire de la chaire Prichard Wilson en droit et en politique publique à la faculté de droit de l’Université de Toronto et a été conseiller principal en matière de politiques auprès du procureur général et du ministre des Affaires autochtones de l’Ontario. Il est Cri Swampy, clan Beaver, de la nation crie Opaskwayak.
Les membres peuvent trouver un enregistrement de cet événement — ainsi que les discussions précédentes du club de lecture communautaire de l’ABO — ici.