hands clasped across the backdrop of a cityscape

Les arguments économiques pour le travail pro bono

  • 06 décembre 2024
  • Emily Sinkins

Pour les avocats, le travail bénévole répond à un sentiment d’obligation professionnelle envers l’accès à la justice et satisfait le besoin personnel de contribuer à la collectivité et au bien social. Mais consacrer du temps et de l’expertise au service de clients et de collectivités qui ont besoin d’une assistance juridique et n’ont pas les moyens de se l’offrir peut également apporter des avantages inattendus aux praticiens comme aux cabinets juridiques. Voici quelques-uns des avantages pratiques — dont on entend peut-être moins parler — du travail pro bono que les panélistes ont mis en évidence lors d’une discussion approfondie intitulée How to Make Pro Bono Legal Services Work for Your Firm or Practice, présidée par Amrita V. Singh, présidente du comité pro bono de l’ABO ainsi qu’associée et co-présidente du contentieux chez Marks and Clark Canada, à l’occasion de la Semaine de l’accès à la justice.

Le développement des affaires

De manière officielle et plus organique, faire affaire avec des cabinets et des avocats qui s’engagent dans un travail pro bono est de plus en plus attrayant pour les clients actuels et potentiels, ce qui ajoute à la proposition de valeur globale.

« Nos clients sont de plus en plus enclins à faire appel à des cabinets d’avocats, à des fournisseurs et à des partenaires commerciaux qui s’engagent envers les collectivités dans lesquelles ils travaillent », a déclaré Sarah Armstrong, présidente du groupe de pratique en litige et en règlement des différends de Fasken en Ontario, présidente du conseil d’administration de Pro Bono Ontario, et lauréate du prix David Scott Pro Bono Law.

Même si cela est vrai depuis un certain temps, elle fait remarquer que le langage que les sociétés comme la sienne utilisent autour des initiatives environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), dans lesquelles le bénévolat est considéré comme une contribution sociale, a formalisé cela. Dans son cabinet, l’engagement bénévole est intégré au plan stratégique. Il est fréquemment inclus dans les appels d’offres, et elle a observé que les conseillers juridiques d’entreprise veulent, bien souvent, voir que les cabinets d’avocats avec lesquels ils travaillent soutiennent Pro Bono Ontario.

Les relations avec les clients et l’impact sur la collectivité

Louis Frapporti, associé du bureau de Hamilton de Gowling WLG, qui, au cours des deux dernières années, a dirigé les efforts visant à modifier l’écosystème des services juridiques pro bono au Canada, estime que l’attention portée aux clients et à la collectivité — et aux causes qui comptent pour les uns et les autres — est essentielle à la survie d’un cabinet. Cette attention peut rehausser l’image de marque, offrir une valeur qui peut distinguer le cabinet de ses concurrents, et ajouter une impression d’attention personnelle qui le différencie très certainement des outils juridiques de l’IA. Comme le dit Me Frapporti, « c’est une très bonne affaire de faire le bien et d’être bon. »

De plus, un investissement bénévole dans des sociétés et des personnes méritantes qui n’ont pas les moyens de s’offrir des conseils juridiques crée des relations qui peuvent s’approfondir, évoluer et avoir un effet d’entraînement au fil du temps. 

« Si vous trouvez un particulier, une petite entreprise, une famille ou un entrepreneur qui a du mal à démarrer une activité, ils ont invariablement besoin de ce que nous appelons les conseils en matière de réduction des risques qu’un avocat peut leur apporter, explique Me Frapporti. Ils n’ont généralement pas les documents nécessaires à la création de l’entreprise — ce sont des carences énormes. »

Si vous pouvez fournir ce travail à titre gracieux et les aider à développer une entreprise prospère qui crée des occasions d’emploi dans la collectivité, ils pourront éventuellement devenir des clients qui vous paieront pour être leur avocat.

« Ainsi, explique Me Frapporti, l’impact de cet acte gratuit consistant à aider un petit entrepreneur à démarrer peut devenir non seulement une occasion d’affaire pour vous, mais aussi une occasion pour d’autres personnes dans la région. »

Établir un profil et des références

Selon Janani Shanmuganathan, avocate spécialisée en défense criminelle et lauréate du prix David Scott Pro Bono Law, qui participe bénévolement au programme d’appel des détenus de la Cour d’appel de l’Ontario, le bénévolat peut vous aider à vous faire connaître et à vous faire recommander à d’autres personnes. Faire une intervention au nom d’une organisation, à titre bénévole, devant la Cour suprême du Canada est un travail qui, selon elle, peut être très gratifiant tout en attirant l’attention de manière positive.

Elle cite en exemple une intervention qu’elle a faite au nom de la South Asian Bar Association auprès de la Cour suprême pendant la pandémie — un appel en matière criminel que les criminalistes, ainsi que les avocats d’autres domaines, suivaient de près et dont ils discutaient vigoureusement sur les médias sociaux.

« Pour une raison ou une autre, dit Me Shanmuganathan, certaines des remarques que j’ai faites pendant mes cinq minutes de plaidoirie ont vraiment trouvé un écho auprès de beaucoup de gens, si bien que de nombreuses personnes de différents cabinets m’ont envoyé des messages à ce sujet. »

Ce travail lui a permis de faire la connaissance d’un grand nombre de nouvelles personnes et, comme elle le dit, « plus vous rencontrez de gens, plus votre réseau s’élargit, ce qui peut se traduire par des recommandations ».

Renforcer les relations avec les avocats d’expérience

Me Shanmuganathan et les autres panélistes ont souligné qu’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’un travail pro bono se présente à vous — vous pouvez vous porter candidat et, ce faisant, acquérir une excellente expérience et nouer des contacts. Vous pouvez trouver des listes d’avocats qui interviennent pour le compte d’organisations — comme dans l’exemple ci-dessus — et vous pouvez les contacter pour vous porter volontaire. Dans le monde du droit criminel, il existe un conseil d’intervention auquel les avocats peuvent adhérer pour être associés à un avocat principal lorsqu’une intervention en appel nécessite une assistance pro bono.

Me Shanmuganathan conseille de rechercher « des personnes que vous admirez, le type de travail que vous voulez faire et le type d’avocat que vous voulez être », puis de les contacter et de leur demander de vous garder à l’esprit lorsqu’ils font ce type de travail.

Me Frapporti, qui encourage à chercher dans la collectivité des moyens de rendre la pareille, estime qu’une approche proactive peut renforcer les relations avec les personnes au sein de votre cabinet.

« Plutôt que d’attendre qu’un avocat chevronné vous apporte (une occasion) ou lui demande de partager avec vous ce qu’il fait, vous pouvez lui apporter une occasion sur laquelle vous aspirez à travailler et l’inviter à envisager de soutenir le travail que vous faites en vous encadrant dans ce dossier, suggère-t-il. C’est un excellent moyen de créer un lien avec un associé avec lequel vous n’auriez peut-être pas travaillé autrement et d’établir qui vous êtes en tant que personne ayant une certaine constellation de valeurs, et probablement quelque chose qui pourrait aider ceux qui sont vraiment ambitieux à progresser dans leur carrière. »

Le développement professionnel

Selon Sarah Armstrong, le fait d’être exposé à un travail intriguant qui ne fait pas partie de votre quotidien peut vous aider à acquérir de nouvelles compétences et à prendre du recul. 

« En tant qu’avocate débutante dans un grand cabinet, le travail pro bono, en contact direct avec les clients dont j’essayais de résoudre les problèmes, a fait de moi une meilleure avocate et une meilleure plaideuse, se souvient-elle. J’ai eu plus de responsabilités et j’ai développé plus de compétences pratiques… Et ce travail m’a appris à être créative et à trouver des moyens de plaider efficacement dans un système qui n’était pas nécessairement conçu pour être contradictoire. »

Au fur et à mesure qu’elle a progressé dans sa carrière, elle a constaté que son travail la sort de sa pratique quotidienne et l’aide à affiner son expertise.

« J’ai l’impression que cela élargit ma connaissance du droit et des problèmes quotidiens auxquels les gens sont confrontés. »

Attirer les talents

Les défis et les récompenses que Me Armstrong retire de son travail pro bono sont extrêmement attrayants pour les avocats en devenir, ce qui rend l’offre et la facilitation de ces occasions importantes pour la capacité d’un cabinet à attirer, développer et retenir les talents, dit-elle.

« Il est clair pour nous, du point de vue du recrutement, que les étudiants recherchent un cabinet qui a démontré son engagement dans ce type de travail, et qu’ensuite, en tant qu’avocats adjoints, ils veulent un cabinet qui les soutiendra dans leur travail… Les dirigeants d’un cabinet doivent comprendre cette proposition de valeur. »

Me Frapporti est d’accord. « Je pense que les jeunes générations d’avocats ont un grand pouvoir de négociation et que nous sommes tous, en tant que cabinets, à la recherche de personnes talentueuses qui, en plus de leurs excellents résultats universitaires, possèdent de nombreuses compétences non techniques — des personnes qui se soucient des autres et qui ont la capacité de devenir d’excellents associés au sein d’un cabinet. »

Tout cela constitue un formidable appel à l’action pour que les cabinets s’engagent, fassent le bien dans la collectivité et participent aux programmes pro bono existants — afin d’attirer des avocats qui seront d’excellents collègues, des leaders compatissants et des professionnels équilibrés. C’est un élément convaincant de ce que Me Frapporti appelle « une conversation générationnelle en évolution sur l’équilibre entre le travail et le “non-travail” ».

L’amélioration de la santé mentale et de la satisfaction professionnelle

« En tant que professionnelle, je dirais que la nature gratifiante du travail (pro bono) contribue réellement à mon propre bien-être, affirme Me Armstrong. Il y a beaucoup de stress et de défis dans notre travail, et je pense que le fait d’avoir un bon dossier bénévole peut vraiment aider à se sentir bien. »

Me Frapporti considère lui aussi ce type de travail comme un élément important de l’équation de la santé mentale. « Qu’il s’agisse de bénévolat, de travail pro bono ou d’activités liées à cette sensibilité-là, il y a énormément de joie et de satisfaction à poursuivre cet objectif au sein d’un cabinet juridique. »

Il y a certainement des avocats qui aiment leur travail, mais qui ne l’adorent pas nécessairement. Pour eux, le travail bénévole peut être un coup de pouce bienvenu. Me Shanmuganathan a ces mots pour eux : « Vous pouvez aussi faire des choses, de manière bénévole, qui vous passionnent, tout en conservant cet emploi qui vous apporte sécurité et revenu. »

Quant aux employeurs du secteur juridique, elle leur dit : « Si vous voulez des avocats heureux, vous devrez trouver un espace pour le travail pro bono. »

Consultez le programme complet de l’ABO pour savoir comment vous impliquer davantage dans le travail pro bono.