PARTIE 1
L’instance bilingue, procédure primordiale pour l’accès à la justice
En Ontario, l’anglais et le français sont les langues officielles des tribunaux conformément à l’article 125 (1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario (ci-après LTJ). Même si toutes les parties à une instance parlent français, celle-ci est considérée comme bilingue en raison des dispositions de la LTJ permettant l’utilisation des deux langues. Les documents déposés par une partie et les actes de procédure peuvent être rédigés en français. Sur demande également, une traduction peut être fournie par le tribunal, comme prévu par l’article 126 de LTJ.
Les effets d’une instance bilingue
Une fois qu'une partie demande une instance bilingue, ce droit s'étend à toutes les audiences associées à l'affaire, sauf indication contraire. Les règles prévues par l'article 126(4) de la LTJ s'appliquent, notamment :
- Les audiences précisées par la partie sont présidées par un officier de justice bilingue.
- Le jury est composé de personnes parlant français et anglais dans les secteurs désignés.
- Les témoignages et observations sont reçus, enregistrés et transcrits dans la langue dans laquelle ils sont présentés.
- Le tribunal fournit l'interprétation lors des audiences et des interrogatoires hors de la présence du tribunal si nécessaire.
- Les motifs de décision peuvent être rédigés dans l'une ou l'autre langue, avec traduction sur demande.
L’obligation d’offrir les services juridiques en français
L’instance bilingue évolue dans un contexte d’accès aux services en français beaucoup plus vaste. En effet, le ministère du Procureur général s’est engagé à fournir des services en français de qualité, tout comme les tribunaux administratifs gouvernementaux dont ceux qui font partie des tribunaux décisionnels de l’Ontario. La Loi sur les services en français garantit le droit de recevoir des services en français dans certaines régions désignées. Conformément à leur Code de déontologie, les avocats doivent informer leurs clients de leurs droits linguistiques, y compris le droit de se faire représenter dans la langue de leur choix. Les services juridiques en français sont également accessibles via le Service de référence du Barreau et la Ligne téléphonique de conseils juridiques à l’intention des Francophones d’Aide juridique Ontario. Justice pas-à-pas offre aussi une assistance juridique bilingue en ligne. Selon la règle 4.02.1 des Règles de procédure civile de l’Ontario, les documents rédigés en français peuvent également inclure une version anglaise, en vertu de l’article 126 de la LTJ.
Comment appuyer vos clients à faire demande
Le règlement sur les instances bilingues régit les procédures relatives au dépôt de documents en français et à la demande d'instances bilingues dans les tribunaux de l'Ontario Comme suit :
- Dépôt du premier document en français : Si le premier document déposé par une partie est rédigé en français, cette partie est réputée avoir exercé le droit d'exiger que l'instance soit bilingue et de préciser que les audiences à venir soient présidées par un officier de justice parlant français et anglais[1].
- Défendeur dans le cadre d'une infraction : Si un défendeur reçoit un avis d'infraction et demande que le procès soit tenu en français, il est réputé avoir exigé une instance bilingue et précisée que les audiences soient présidées par un officier de justice bilingue[2].
- Réquisition ou déclaration : Une partie peut demander une instance bilingue en déposant une réquisition ou une déclaration auprès du greffier du tribunal. Cette réquisition ou déclaration doit préciser que les audiences à venir doivent être présidées par un officier de justice bilingue. Une copie doit être signifiée à chaque autre partie de l'instance.
Ne perdez pas de vue les délais
Les délais pour déposer une demande d'instance bilingue varient selon le type de procédure. En général, les documents doivent être déposés au moins sept jours avant la première audience prévue. Pour les requêtes, ils doivent être déposés au moment de l'introduction de la requête, tandis que pour les procès en vertu de la LIP, ils peuvent être déposés lorsque la date du procès est fixée ou lorsque le défendeur donne avis de son intention de comparaître.
Si le délai est dépassé, le tribunal peut autoriser le dépôt tardif sur motion. Une déclaration orale exprimant le souhait d'une instance bilingue peut également être faite devant le tribunal lors d'une comparution.
Dans l'ensemble, force est de constater que cette approche reconnaît et valorise la diversité linguistique de la population Ontarienne, ce qui favorise la justice et l'équité pour chaque individu, peu importe sa langue choisie.
PARTIE 2
La justice en français dans le contexte du droit criminel
Le principe du droit à un procès en français est établi partout au Canada, notamment en droit public et criminel. Selon l’article 530 (3) du Code Criminel, l'accusé doit être informé de ces droits linguistiques dès sa première comparution, et le juge ou le juge de paix doit s'assurer de cela, ainsi que du délai pour demander un procès devant un tribunal francophone ou bilingue. Ce droit s'étend également aux infractions relevant d'autres lois fédérales, telles que celles liées à l'expédition ou aux drogues. Toutefois, les droits linguistiques énoncés dans le Code Criminel s'appliquent uniquement aux procès et aux enquêtes préliminaires, et non à d'autres types d'audiences criminelles telles que les enquêtes sur le cautionnement, les premières comparutions ou les plaidoyers de culpabilité. De plus, un accusé francophone n'a pas automatiquement le droit de recevoir la divulgation de la preuve en français.
Un accusé peut en faire demande
En vertu de l'article 530 (1) du Code Criminel, un accusé peut demander à subir son procès en français lors de sa première comparution ou à tout moment avant certaines étapes clés de la procédure. Si cette demande est faite dans les délais spécifiés, le tribunal doit obligatoirement ordonner un procès en français. Cependant, si la demande est tardive, le tribunal a la discrétion de rendre une ordonnance exigeant un procès en français ou dans les deux langues officielles. Les conséquences d'une telle ordonnance incluent le droit pour l'accusé et son avocat d'utiliser l'une ou l'autre langue officielle lors de l'enquête préliminaire et du procès, ainsi que le droit pour les témoins de témoigner dans la langue officielle de leur choix. Par ailleurs, le juge peut autoriser le poursuivant à interroger un témoin dans sa langue officielle, même si elle diffère de celle de l'accusé. L'accusé a également le droit d'être compris dans la langue officielle du tribunal et d'avoir le jugement écrit disponible dans sa langue officielle.
Lorsqu'un accusé le demande, la Couronne est tenue de faire traduire la dénonciation ou l'acte d'accusation dans la langue officielle de l'accusé et de lui remettre une copie écrite dans les meilleurs délais.
Le principe du droit à un procès en français devant un tribunal provincial ou territorial est établi, lorsque la province le permet. La LTJ confère plusieurs droits, notamment :
- La possibilité d'une instance bilingue n'importe où en Ontario dans les affaires de droit de la famille, de droit civil et dans les affaires relevant de la Loi sur les infractions provinciales (LIP).
- Le droit de déposer des documents écrits en français dans tous les tribunaux de l'Ontario.
- Le droit de demander la traduction de tout document déposé, du français à l'anglais ou de l'anglais au français.
Autres règles pertinentes
a)Instances bilingues – para 530 (6) du CC
Dans le cadre des instances bilingues en droit criminel, si plusieurs accusés parlent différentes langues officielles, cela peut justifier un procès bilingue. Les dossiers d'enquête préliminaire et de procès doivent contenir toute preuve documentaire dans la langue dans laquelle elle a été présentée, avec une transcription complète des débats et leur interprétation dans l'autre langue officielle.
b)Dossier des instances
En matière criminelle, si un accusé affirme que le français est sa langue officielle, la Couronne doit prouver le contraire. Les témoins peuvent témoigner dans la langue de leur choix, et l'interprétation devrait être enregistrée pour le dossier. Si l'accusé renonce à son droit à un interprète, cela doit être fait sans ambiguïté et par l'accusé lui-même[3].
c)Considérations pratiques en matière criminelle
Concernant la divulgation, la Couronne n'est pas obligée de traduire des documents à moins qu'une ordonnance judiciaire ne le stipule[4]. L'accusé peut demander la traduction de documents pour garantir un procès équitable, mais le fardeau de la preuve lui incombe.
En ce qui concerne le dépôt de documents en français, les règles varient selon le type d'affaire et le tribunal, mais en général, les parties peuvent déposer des documents en français dans les affaires civiles et familiales, notamment devant la Cour supérieure de justice et la Cour des petites créances.
[4] Voir R. c. Rodrigue [1994] Y.J. No. 113; R. c. Stadnick [2001] Q.J. No. 5226; R c. Stockford [2009] Q.J. No. 8369