Après avoir été brutalement agressée par son mari, qui l’a laissée aveugle, Rumana Monzur a non seulement obtenu une maîtrise, un diplôme en droit et un poste d’avocate au ministère de la Justice à Vancouver, mais elle est aussi devenue une militante des droits des femmes et des personnes qui vivent avec un handicap. Son histoire remarquable de persévérance, sa quête de justice et son triomphe personnel sont relatés dans un nouveau livre de Denise Chong, Out of Darkness. Mais lors d’un événement intime de la série des conférenciers de l’ABO, auquel participaient l’autrice et la survivante, Rumana s’est concentrée sur l’avenir, transmettant certaines des leçons sur l’inclusion, l’adaptation, l’empathie et la collectivité qu’elle a apprises au cours de son voyage pour redevenir ce qu’elle était avant que la violence ne vienne bouleverser sa vie. Nous avons extrait quelques-unes des idées inspirantes que Rumana a apportées à la conversation.
Sur la collectivité
« Où ai-je puisé cette force ? J’ai dû me rappeler de me faire confiance, de faire confiance à ma famille, à ma collectivité. Car vous venez de voir [dans un extrait de journal télévisé] ce que mes amis ont fait, ce que ma collectivité a fait pour moi. Je n’étais qu’une étudiante en maîtrise à l’Université de la Colombie-Britannique. Si ce jour-là, mes amis — dont Mohsen [Seddigh], qui est assis ici et qui fait partie de ce groupe de défense des étudiants — avaient accepté l’attaque dont j’ai été victime comme une simple conséquence du mal social existant, je ne serais pas ici devant vous aujourd’hui. »
Sur la perspective
« Avant, je voyais un mur comme un obstacle qui me donnait des bleus si je le heurtais. Mais maintenant, un mur est devenu pour moi un repère qui me guide vers la bonne porte. Il faut croire en soi ; aveugle ou non, tout le monde peut regarder vers l’avant. »
Sur l’ingéniosité et l’adaptabilité
« L’un des obstacles était le test d’admission à la faculté de droit. Je venais de perdre la vue. Je ne savais pas lire le braille. Je ne connaissais pas l’ordinateur. Je ne connaissais pas les logiciels que j’utilise maintenant pour travailler… Vous savez à quel point le LSAT est un examen brutal. Donc, pour la partie raisonnement analytique, je me suis sérieusement procuré un tableau magnétique et des lettres magnétiques — des lettres et des chiffres en relief. J’ai également pris les cure-pipes et les bracelets de ma fille pour pouvoir dessiner tous ces diagrammes sur le tableau magnétique. »
Sur les accommodements
« Je ne savais pas de quels aménagements j’avais besoin, c’était donc un processus continu, mais l’Université de la Colombie-Britannique m’a accompagnée… J’avais vraiment l’impression d’avoir sauté dans l’océan sans savoir nager. Et lorsque l’université m’a fourni ces gilets de sauvetage, j’ai senti que j’étais entre de bonnes mains. Cela fait une énorme différence. »
Sur la divulgation
« J’ai fait subir un test de diversité à mes employeurs. J’ai écrit dans ma lettre de motivation que j’étais aveugle… De nombreux cabinets d’avocats n’étaient pas intéressés, mais trois l’étaient, et j’ai fini par recevoir deux offres. »
Sur l’utilisation des préjugés inconscients à son avantage
« Je dirais que plus que de la discrimination, je suis surtout confrontée à des préjugés inconscients parce que je n’ai pas l’air d’une avocate spécialisée dans les litiges. Lorsque j’entre quelque part, quelqu’un me guide. Mais en fait, j’ai appris à percevoir cela comme un avantage, car on me sous-estime toujours. »
Sur le respect de la justice
« La profession juridique est depuis longtemps reconnue pour son modèle de “survie du plus fort”. Mais comment définir le plus fort ? Si vous envisagez de définir le plus fort à partir d’une lentille capacitiste, je voudrais vous demander quelque chose : regardez la Justice. Elle a les yeux bandés. Elle vous dira que vous n’avez pas besoin de votre vue pour faire respecter la justice. Parfois, elle crée des préjugés. Ce qu’il faut, c’est de la gentillesse, de l’empathie, de la compassion et, comme je l’ai dit, de la compréhension. »
Sur rester fidèle à soi-même : quelques mots à l’attention des avocats en devenir
« Aux étudiants, mon message est de ne jamais se perdre, d’être soi-même. Je sais que vous l’entendez tout le temps. Et puis vous entrerez dans des environnements professionnels où vous essaierez toujours, toujours de vous adapter. Mais je veux juste que vous vous souveniez de ne jamais perdre de vue votre compassion, votre passion et ce que vous voulez faire dans votre vie. Menez une vie qui a du sens. Agissez comme un être humain. Faites ce qui est juste. »
Visionner la vidéo à la demande de l’événement de la série d’orateurs.