Ces dernières années, les facultés de droit, comme les employeurs du secteur juridique, ont fait des progrès considérables en matière d’inclusion. Pourtant, les études en droit restent largement inaccessibles aux étudiants neurodivergents. Bien qu’il n’existe pas de panacée pour remédier à cette situation, mieux comprendre les lacunes actuelles permet de trouver des pistes de solutions.
Éviter les présomptions et le capacitisme
Lorsqu’il s’agit d’enseigner à des étudiants en droit neurodivergents, il convient de garder à l’esprit un principe général : « Si vous ne pouvez pas l’expliquer simplement, c’est que vous ne le connaissez pas assez bien. » La plus grande partie du travail d’un enseignant consiste à rencontrer ses étudiants là où ils en sont, à leur expliquer les concepts dans des termes qu’ils peuvent comprendre et à déterminer ce qu’ils ont besoin d’apprendre. Jusqu’à présent, les facultés de droit n’ont pas intégré de stratégies d’enseignement susceptibles de mieux aider les étudiants neurodivergents. Cette situation peut être problématique, car elle laisse la place à des stéréotypes capacitistes et à des préjugés explicites.
Si les étudiants neurodivergents peuvent apprendre différemment, cela ne remet pas en cause leur capacité d’apprendre. L’une des raisons pour lesquelles les études en droit sont inaccessibles aux étudiants neurodivergents est qu’on suppose couramment que ces étudiants ne sont pas capables de suivre les cours requis. Par exemple, dès qu’un étudiant en droit neurodivergent prononce le mot « incapacité », les professeurs de droit peuvent supposer que ces étudiants sont incapables de mener à bien la tâche qui leur est confiée. Les étudiants en droit neurodivergents sont capables de rédiger des travaux, de réussir des examens et d’être d’excellents avocats.
Pas d’approche universelle
Le capacitisme se traduit par des systèmes qui traitent tous les étudiants neurodivergents de la même manière, malgré la diversité des diagnostics et des recommandations médicales. Prenons le cas d’une jeune transsexuelle noire qui souffre de dyslexie, qui a mis quatre ans à obtenir son diplôme de premier cycle, pour lequel sa moyenne est exceptionnellement élevée, qui a obtenu une note faible au LSAT, mais qui veut faire des études de droit. Si les facultés de droit ont des exigences en matière de notes et d’activités parascolaires, y compris une note minimum au LSAT, quelles sont les chances que cette personne reçoive une lettre d’acceptation ? Et même si elle est en mesure de recevoir une offre, la faculté risque de lui présenter une approche unique en matière d’accommodements. À la faculté que je fréquente, cela signifie que les étudiants neurodivergents disposent de plus de temps pour faire leurs travaux et passer leurs examens. Ce sont les mêmes accommodements que ceux qui sont accordés à un étudiant qui a un bras cassé ou des capacités physiques différentes. Or, il est évident que les mesures prises pour répondre à ces différentes situations devraient être… différentes.
Pourtant, lorsque les étudiants militent pour que leurs besoins soient comblés, ils se heurtent trop souvent à des questions au lieu de recevoir du soutien. Il semble que de nombreux administrateurs de facultés de droit considèrent les demandeurs d’accessibilité et d’aménagements comme des étudiants qui essaient de profiter du système pour avoir une longueur d’avance sur leurs camarades. Les étudiants veulent une éducation accessible parce qu’ils veulent pouvoir recevoir l’éducation pour laquelle ils paient, aux côtés de leurs pairs, sur un pied d’égalité.
Une autre raison pour laquelle les études de droit sont inaccessibles aux étudiants neurodivergents est que les facultés de droit et les centres d’accessibilité se livrent une guerre de territoire pour répondre aux besoins des étudiants en droit neurodivergents. Les centres d’accessibilité proposent souvent d’excellents aménagements aux étudiants de premier cycle. Mais il n’en va pas de même pour les facultés de droit. Les facultés de droit prennent plutôt le dessus sur les besoins des étudiants neurodivergents, en se servant de politiques de laissez-faire, comme les modèles d’apprentissage universels et les accommodements généralisés pour tous, sans tenir compte de leur devoir de répondre aux besoins d’apprentissage des personnes neurodivergentes. Il en résulte une discrimination fondée sur la capacité dans les facultés de droit, où les étudiants neurodivergents sont censés se hisser au niveau de la norme universelle. Il en résulte que les étudiants neurodivergents subissent des épreuves émotionnelles et mentales extrêmes.
Mettre les facultés de droit, les centres d’accessibilité et les barreaux sur la même longueur d’onde
Nous croyons que les facultés de droit et les centres d’accessibilité du Canada doivent être sur la même longueur d’onde en ce qui concerne les intérêts des étudiants neurodivergents. Cela signifie qu’il faut s’associer pour mettre en place des ateliers qui enseignent aux professeurs de droit comment enseigner et s’adapter aux besoins des personnes neurodivergentes, ce qui inclut, mais ne se limite pas à, fournir des temps d’examen équitables déterminés par et avec l’étudiant. Par exemple, un étudiant qui doit passer un examen à distance de 48 heures devrait avoir droit à un délai supplémentaire pour terminer son évaluation, à condition que son conseiller en accessibilité l’approuve, plutôt que son professeur de droit. Les étudiants devraient également avoir accès à des exemples d’examens pratiques, comme des questions à choix multiples, des questions à réponse longue ou courte et d’anciens examens fournis par leurs professeurs. Cela les aiderait à se familiariser avec le style d’écriture des professeurs et à mieux comprendre la formulation des questions, ce qui améliorerait la préparation à l’examen et réduirait la confusion.
Les centres d’examen doivent également modifier leur politique concernant le début des examens. Par exemple, qu’un étudiant neurodivergent soit dans une salle d’examen partagée ou individuelle, le chronomètre de l’examen commence dès qu’il entre. Cette approche ne laisse pas le temps à l’étudiant d’évaluer la salle à la recherche de problèmes sensoriels ou de distractions, comme des chaises grinçantes, un logiciel adaptatif gelé ou un texte mal numérisé qui pourrait apparaître lors de l’examen. En outre, étant donné que certains élèves non neurodivergents bénéficient d’aménagements sans disposer de documents précis indiquant qu’ils ont besoin de temps additionnel pour les examens, pourquoi ne pas concevoir des aménagements adaptés aux besoins individuels de chacun ? De cette façon, tous les étudiants, y compris ceux qui sont neurodivergents, recevraient le soutien dont ils ont besoin pour réussir sans ressentir de difficultés excessives. Avant que de vieux préjugés ne réapparaissent, considérez les recommandations suivantes non pas comme une tentative de déjouer le système, mais plutôt comme un moyen de faire respecter le droit de l’étudiant à l’éducation.
Les facultés de droit devraient également accorder aux services d’accessibilité l’autonomie nécessaire pour développer des parcours à charge réduite pour les étudiants sans les préjugés liés au « statut de temps partiel » et à d’autres restrictions politiques. Les services d’accessibilité ont également la responsabilité d’embaucher des conseillers qui s’occupent spécifiquement des programmes de diplômes professionnels, une partie du système universitaire qui n’est pas encore accessible et où il n’y a pas d’accommodements adéquats. Cela permettra de réduire l’arriéré de demandes de la part des étudiants de premier et de deuxième cycle.
Les barreaux devraient réviser leur langage et leurs lignes directrices en matière de déontologie concernant les technologies et les logiciels d’adaptation, en particulier pour les stagiaires en droit. Cette révision devrait clarifier la distinction entre l’utilisation éthique d’un logiciel de transcription pour la prise de notes et l’enregistrement non autorisé des interactions avec les clients. Ces mises à jour soutiendront les personnes aux capacités diverses, y compris celles souffrant du syndrome du canal carpien, d’arthrose ou de tendinite, en réduisant la stigmatisation associée à l’utilisation de ces outils et en encourageant la transparence quant aux besoins. La normalisation de l’utilisation de logiciels de transcription fiables et confidentiels peut améliorer la précision des interactions avec les clients, au bénéfice des cabinets d’avocats et d’autres organismes.
Trop souvent, rendre l’enseignement juridique accessible aux étudiants neurodivergents est considéré comme difficile. Les facultés de droit peuvent devenir plus équitables en mettant en œuvre ces suggestions. Il y a du travail à réaliser pour faire de la place à chaque étudiant neurodivergent dans la formation juridique. Il en résultera une profession juridique plus représentative de la population canadienne et mieux à même de répondre à ses besoins.
À propos des autrices
Rachel Lewis est étudiante en troisième année du doctorat en droit à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Elle réside actuellement sur le territoire traditionnel de la Nation algonquine anichinabée (Ottawa, Ontario, Canada). Pendant ses temps libres, Rachel aime regarder le soccer, faire des randonnées et encadrer les jeunes de sa collectivité.
Rebekah Smith JD/JID (Juris Indigenarium) a obtenu un double diplôme en droit et en systèmes juridiques autochtones à l’Université de Victoria en 2023. Le père de Rebekah est jamaïcain britannique et sa mère est afro-néoécossaise et néerlandaise. Elle vit actuellement sur les territoires xʷməθkʷəy̓əm (musqueam), Sḵwx̱wú 7mesh (squamish) et səlilwətaɬ (tsleil-waututh), à Vancouver, Colombie-Britannique, Canada, mais a grandi sur les terres des Six Nations de la rivière Grand à Brantford, Ontario, Canada.