Bien que la profession juridique ait fait un bond en avant dans l’adoption des technologies au cours des trois dernières années, il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Dans presque tous les domaines d’activité, il existe une pléthore de tâches qui peuvent être automatisées afin de libérer du temps pour un travail plus agréable, plus sophistiqué et plus rentable.
Mais le modèle des heures facturables n’encourage pas vraiment l’efficacité, ce qui fait qu’il est notoirement difficile de vendre des technologies aux cabinets d’avocats.
C’est pourquoi il est si excitant de voir une entreprise, en particulier une grande entreprise, signer finalement avec un fournisseur de technologie juridique. Cela signifie que le fournisseur a réussi à convaincre à la fois l’équipe d’innovation, le groupe de pratique et le service informatique que le produit est utile, sûr et rentable.
Après tout ce remue-ménage, on pourrait penser que les douze prochains mois se dérouleront sans encombre, n’est-ce pas ?
Eh non. Car souvent, un produit censé résoudre un problème majeur finit par prendre la poussière parmi une pile d’autres produits de technologie juridique que personne n’utilise.
Les avocats adjoints ont trop à faire pour se familiariser avec de nouveaux outils, ils reviennent donc à leur méthode habituelle — et inefficace — de faire les choses. Pendant ce temps, l’équipe chargée de l’innovation s’efforce de faire adopter les produits pour lesquels elle s’est tant battue, les associés du cabinet sont frustrés par l’augmentation des coûts non justifiés et les fournisseurs sont effondrés à la fin de l’année lorsqu’ils apprennent que leur produit ne sera pas renouvelé.
D’où la question suivante : que peuvent faire les cabinets pour favoriser l’adoption des technologies juridiques par les avocats adjoints ?
J’ai fait le tour de l’Amérique du Nord pour recueillir les meilleures pratiques des responsables de l’innovation dans certaines des plus grandes entreprises du Canada et des États-Unis.
Mon conseil préféré est celui de David Wang, directeur de l’innovation chez Wilson Sonsini, basé en Californie, qui explique que son entreprise intègre des « heures d’innovation » dans les heures facturables de ses avocats adjoints pour les encourager à essayer de nouveaux produits. Me Wang évalue aussi intelligemment chaque nouveau produit en fonction, entre autres critères, de la probabilité d’une utilisation fréquente.
Le directeur des connaissances et de l’innovation d’un cabinet d’avocats international basé à New York a également conseillé aux fournisseurs de se rapprocher des avocats adjoints qui ont montré de l’intérêt pour le produit. Selon lui, les fournisseurs les plus performants accordent à ces « champions » une attention particulière sous la forme de formations personnalisées, de dîners, voire d’une participation dans l’entreprise afin de les encourager à faire passer le message.
Pendant ce temps, à Toronto, Charles Dobson, avocat spécialisé dans la gestion des connaissances chez Osler, conseille vivement aux équipes d’innovation de jouer sur le long terme et de donner à un outil une durée de vie d’au moins deux à trois ans, en gardant à l’esprit que la plupart des pratiques n’impliquent pas un travail à l’emporte-pièce, et qu’il est donc peu probable qu’une même tâche se présente très souvent. Il note également que les produits les plus performants sont ceux qui peuvent s’adapter à une grande variété de cas d’utilisation et rester fiables, car le droit peut être varié et imprévisible.
En bref, ce n’est pas si compliqué : les avocats adjoints sont désireux d’essayer de nouvelles technologies lorsqu’ils ont le temps, l’espace et l’attention nécessaires pour le faire, et ils s’en tiennent à des technologies qui peuvent répondre aux vicissitudes de leur pratique.
À propos de l’autrice
Tali Green est la cofondatrice de Goodfact, une jeune entreprise de technologie juridique qui transforme des piles de documents, y compris des fils de courriels, en une chronologie instantanée. Avocate spécialisée dans les litiges commerciaux à Toronto (Ontario), elle a eu l’idée de Goodfact alors qu’elle construisait une chronologie particulièrement onéreuse pour l’un de ses dossiers.