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Chaîne de blocs et droit fiscal : à la traîne

  • 30 novembre 2022
  • Matthew Boyd

Le concept de la chaîne de blocs a été théorisé pour la première fois au début des années 1990, mais il a fallu attendre 20 ans avant qu’il ne soit utilisé pour créer le bitcoin, la première cryptomonnaie, au début de 2009, après quoi sa popularité a explosé.

Malgré l’ascension fulgurante des cryptomonnaies, la première loi fiscale les concernant spécifiquement a été proposée au début de l’année 2022, soit plus d’une décennie après la création du bitcoin. Plus précisément, le législateur a proposé l’ajout de l’article 188.2 à la Loi sur la taxe d’accise. L’article 188.2 est rédigé spécifiquement pour traiter la TPS/TVH relative au minage de cryptomonnaies. 

Bien qu’il s’agisse d’un premier pas dans la bonne direction, le minage de cryptomonnaies n’est qu’un aspect des cryptomonnaies et il existe encore une grande incertitude quant à leur traitement approprié dans d’autres situations — cette incertitude ne fera que s’amplifier à mesure que la chaîne de blocs et les cryptomonnaies seront utilisées de manière nouvelle et inédite. 

À l’instar d’internet, qui était initialement utilisé pour envoyer des courriels et héberger des sites Web rudimentaires, mais qui a rapidement pris de l’ampleur pour avoir un impact sur notre façon de faire des achats, de consommer des divertissements et de travailler, les premières utilisations de la chaîne de blocs ne sont que la partie visible de l’iceberg. À moins que le législateur ne commence à aller de l’avant et à fournir des règles claires sur l’imposition des cryptomonnaies et d’autres aspects de la chaîne de blocs spécifiquement, les tribunaux auront la tâche impossible d’interpréter une législation qui n’est peut-être pas conçue pour le nouveau monde dans lequel nous pourrions bientôt évoluer.  

Un exemple précis d’un aspect de la chaîne de blocs susceptible de créer de l’incertitude est celui des contrats intelligents. On peut considérer qu’un contrat intelligent est un contrat qui réalise automatiquement plusieurs étapes convenues une fois que certaines conditions sont remplies. 

Par exemple, supposons que je crée un film d’animation que je souhaite vendre dans un marché numérique. Dans ce marché hypothétique, je peux acheter des personnages, des voix, de la musique et même le logiciel d’animation du film (les « intrants ») pour 10 dollars par intrant, par vente de mon film, en utilisant un contrat intelligent. 

En utilisant le contrat intelligent, si je devais vendre mon film 60 dollars, je ne recevrais que 20 dollars sur chaque vente et 40 dollars seraient automatiquement versés aux créateurs des intrants. Je ne recevrais jamais les 40 dollars pour les intrants, car le contrat intelligent paierait automatiquement chaque partie. D’un point de vue commercial, ce système est incroyablement efficace et favorise la création, mais il soulève de nombreuses questions d’un point de vue fiscal :

Qui est responsable de la facturation, de la collecte et du versement de la TPS/TVH ?
Comment sont traités les crédits d’impôt sur les intrants ?
Quelle est la relation entre chacun des créateurs et moi ? Sommes-nous des partenaires ? Sont-ils des fournisseurs ?
Que se passe-t-il si le client et les créateurs des intrants ne sont pas situés au Canada ?

Comme vous pouvez le constater, les contrats intelligents pourraient créer des situations où les relations entre les parties ne sont pas claires et où la responsabilité de percevoir et de verser la TPS/TVH est incertaine. Ce n’est qu’un exemple de la chaîne de blocs et de la façon dont elle peut être utilisée. Au fur et à mesure que la technologie se développe et s’affine, de nouvelles utilisations et les questions correspondantes concernant le traitement fiscal approprié sont susceptibles de se poser. 

Par conséquent, le législateur devra se pencher plus rapidement sur ces nouvelles situations et collaborer avec d’autres pays pour garantir un traitement fiscal cohérent et clair des situations inédites que la chaîne de blocs est susceptible de créer.  

 

photo of author Matthew BoydÀ propos de l’auteur

Matt Boyd est un associé du cabinet Farber Tax Law. À ce titre, il assiste principalement les propriétaires exploitants à toutes les étapes du processus de résolution des litiges fiscaux.

Cet article a d’abord été publié sur la page Web des articles de la section Droit fiscal de l’ABO.