Dans certaines juridictions, le testament original ne peut être divulgué pour quelque raison que ce soit. Comment procéder ?
La sagesse populaire, comme « il est toujours plus facile de regarder derrière soi que d’aller de l’avant », s’applique à de nombreux aspects de l’administration des fiducies et des successions. D’autres juridictions peuvent avoir des lois très différentes de celles de l’Ontario qui affectent le testament, ainsi que les exécuteurs et les bénéficiaires.
En général, ces différences ajoutent des coûts et des délais à l’administration d’une succession ayant des liens transfrontaliers.
LA SITUATION
Monsieur Bull était un citoyen britannique résidant en France au moment de son décès. Il a fait un testament français désignant une résidente française comme exécutrice testamentaire, madame Curie, qui a disposé de tous ses biens dans le monde, y compris un modeste compte bancaire en Ontario qu’il possédait à son décès.
Le testament a été administré en France, selon la procédure juridique française, par le notaire français monsieur Lupin. M. Lupin, entre autres tâches, a vérifié le testament du défunt et a fourni une « déclaration de succession ».
Dans le cadre de ce processus, M. Lupin a reçu le testament original de M. Bull, qui ne peut être divulgué pour quelque raison que ce soit selon les règles juridiques françaises applicables.
Les règles des tribunaux de l’Ontario exigent toutefois que le testament original soit déposé auprès du tribunal pour une demande d’homologation originale.
Si le testament a été homologué dans une autre juridiction, une demande d’homologation auxiliaire ou de rescellement est présentée au tribunal de l’Ontario, qui n’a pas besoin du testament original.
L’homologation en Ontario est généralement exigée par les institutions financières lorsque l’exécuteur testamentaire du titulaire du compte décédé n’est pas un résident du Canada.
L’institution financière canadienne de M. Bull a confirmé que Mme Curie aurait besoin d’un certificat d’homologation de l’Ontario pour avoir le pouvoir de traiter son compte bancaire, même si celui-ci ne contenait pas une somme importante.
LE PROBLÈME : « UNE IMPASSE INTERNATIONALE »
Comme il n’y a pas eu d’homologation française (et que celle-ci n’était pas disponible), Mme Curie ne peut pas obtenir une homologation auxiliaire en Ontario de la manière habituelle.
Cependant, elle ne peut pas non plus obtenir de lettres d’homologation originales de l’Ontario de la manière habituelle, parce que le testament original ne peut pas être divulgué par M. Lupin.
LA SOLUTION
Pour sortir de cette impasse, il a fallu demander à un tribunal de l’Ontario de fournir une « homologation solennelle » du testament de M. Bull.
L’« homologation solennelle » exige que l’exécuteur fournisse une preuve officielle de la validité du testament, souvent en audience publique, et toute partie intéressée est incluse dans le processus. Cette procédure s’oppose à l’« homologation ordinaire », le processus d’homologation habituel en Ontario, où seules certaines formalités doivent être prouvées.
Heureusement, tous les bénéficiaires de M. Bull en vertu de son testament et de toute succession ab intestat éventuelle étaient des adultes capables qui ont accepté de coopérer avec Mme Curie et ont consenti à l’ordonnance du tribunal accordant une « homologation solennelle ».
La demande a donc été remplie « au comptoir » (c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de tenir une audience formelle au tribunal).
Une fois que l’ordonnance du tribunal autorisant une copie notariée du testament fournie par M. Lupin a été rendue, Mme Curie a pu procéder à la demande d’homologation sans le testament original.
Les leçons tirées
1. Mme Curie aurait évité tout le problème si M. Bull avait fermé son compte bancaire en Ontario avant de mourir.
Il l’avait gardé ouvert parce qu’il voyageait périodiquement en Ontario et que ses prestations du Régime de pensions du Canada y étaient déposées, mais en fait, ces raisons ne nécessitaient pas un compte bancaire en Ontario.
2. Si M. Bull avait possédé un actif dont il ne pouvait pas se défaire facilement et efficacement (p. ex. un chalet ou un FERR), un testament distinct portant uniquement sur sa propriété en Ontario aurait permis d’économiser des frais juridiques importants, du temps et des droits d’administration de la succession.
Mme Curie était toutefois reconnaissante et soulagée que son avocat de l’Ontario lui ait conseillé la solution juridique la plus efficace possible, étant donné le refus de l’institution financière d’envisager d’autres options (comme le fait que Mme Curie fournisse une indemnité à l’institution financière).
De nombreux problèmes d’administration de la succession peuvent être évités en obtenant les bons conseils dès la préparation d’un plan de succession et en demandant l’avis d’avocats spécialisés dans les fiducies et la planification successorale ayant une expertise et une expérience transfrontalières et multijuridictionnelles.
À propos de l’autrice
Cet article a d’abord été publié sur la page des articles de la section du droit des aîné(e)s.