Je n’avais jamais rencontré de « vrai » avocat avant d’aller à la faculté de droit. Il n’y avait pas d’avocat dans ma famille. J’étais la première à fréquenter l’université. Ce que je savais venait de la culture populaire, comme Perry Mason (en reprise : je ne suis pas si vieille que ça), Matlock (en direct, car je suis si vieille que ça), Law & Order, Ally McBeal. Je ne connaissais pas la différence entre un avocat plaidant et un conseiller juridique : je pensais que tous les avocats plaidaient en cour. Je n’avais aucune idée de la réalité de la pratique du droit. Je ne comprenais pas ce que les différents domaines du droit impliquaient dans la vie réelle, en dehors du droit substantif que j’apprenais en classe. J’étais très naïve. Imaginez ma surprise quand on m’a dit que je devais choisir mon stage judicieusement, puisque cela allait déterminer le type de droit que j’allais pratiquer pour le reste de ma carrière ! Quand j’y repense, je me dis que c’était ridicule de dire cela à une étudiante, mais on donne encore ce conseil à bien des étudiants.
Dans mon poste à temps partiel en tant que conseillère régionale auprès des diplômés de la faculté de droit de l’Université d’Ottawa, j’offre de l’accompagnement et des conseils professionnels aux avocats qui en sont à leur première décennie de pratique. À cause de la pandémie et d’un marché du travail chancelant, de nombreux avocats en début de carrière m’ont demandé conseil pour la recherche d’emploi. Ces avocats n’ont pas été embauchés après leur stage, ou encore ils ont été mis à pied à cause de la COVID après avoir travaillé pour le même bureau pendant plusieurs années. Certains de ces juristes, pour différentes raisons, souhaitent changer de domaine d’exercice. Certains avaient opté pour un domaine qui, finalement, ne convenait pas à leur personnalité. D’autres croyaient qu’ils adoreraient plaider, pour finalement découvrir qu’ils souffrent d’une anxiété débilitante. D’autres, enfin, n’ont pas eu le choix et ont été heureux de trouver un poste de stagiaire ou d’avocat dans n’importe quel domaine. Ils veulent maintenant trouver un emploi dans un domaine de pratique mieux adapté à leurs intérêts et à leurs compétences.
Malheureusement, ce sont eux qui ont le plus de mal à trouver un nouvel emploi. Même s’ils expliquent dans leur lettre de motivation pourquoi ils souhaitent changer de domaine de pratique, beaucoup d’avocats et de cabinets d’avocats ne leur répondront pas ou ne leur accorderont pas d’entrevue. S’ils répondent, c’est pour dire qu’ils craignent que l’avocat ne soit pas « engagé » envers ce nouveau domaine de pratique ou qu’ils se demandent si l’avocat est « vraiment intéressé » par ce nouveau domaine du droit. Certains bureaux ne leur donneront pas leur chance parce que même si l’avocat peut avoir trois à cinq ans d’expérience, il n’a pas d’expérience dans le domaine de pratique de l’entreprise.
Certains avocats bien intentionnés conseillent à ces nouveaux avocats de ne même pas essayer de changer de domaine de pratique parce que « personne ne les engagera » et qu’ils devraient « s’en tenir à ce qu’ils savent ».
Il faut arrêter d’agir ainsi.
Imaginez un peu que toute votre carrière juridique soit déterminée par le poste de stagiaire ou de première année que vous venez de trouver par hasard. Et si vous découvrez que votre personnalité et vos points forts ne correspondent pas à la pratique que vous pensiez aimer ? Vous ne devez pas vous retrouver dans un cul-de-sac. Imaginez être coincé dans une carrière que vous détestez, juste à cause de l’idée dépassée qu’un avocat ne peut pas changer de domaine de pratique.
Je vois là une occasion unique pour les avocats des cabinets individuels et des petits cabinets d’assister ces avocats. Nous pouvons leur donner une chance. Si vous engagez un nouvel avocat associé, n’écartez pas automatiquement les avocats ayant une expérience en dehors de votre domaine de pratique. Je comprends que la plupart des cabinets souhaitent engager une personne ayant une certaine expérience dans le domaine juridique du cabinet, mais beaucoup de choses peuvent être apprises rapidement, et de nombreuses compétences sont transférables. Tous les avocats, par exemple, ont des clients. La gestion des clients, la gestion des dossiers, le respect des délais, les compétences organisationnelles, les aptitudes en communication, etc. sont autant de compétences que les avocats apprennent et qui peuvent être transférées d’un domaine de pratique à un autre. Les compétences en recherche juridique s’appliquent à tous les domaines. La connaissance des tribunaux est également transférable. Un avocat en droit pénal serait beaucoup plus à l’aise qu’un avocat en droit civil dans un grand cabinet et peut facilement transférer ces compétences d’une pratique pénale à une pratique de contentieux civil. Il y a un certain chevauchement entre un cabinet de droit familial et un cabinet de contentieux des successions. Et un juriste d’entreprise en sait peut-être plus sur la rédaction de contrats que vous ne le pensez.
Si nous ne pouvons pas aider les avocats qui cherchent à changer de domaine de pratique en leur offrant un emploi, nous pouvons au moins servir de caisse de résonance ou de mentor. S’ils décident de créer leur propre cabinet dans un nouveau domaine de pratique, les avocats des cabinets individuels et des petits cabinets peuvent les aider en étant la personne qu’ils contactent si une question se pose. Vous pouvez également leur présenter votre réseau d’avocats dans ce domaine, leur faire connaître les meilleures ressources, les programmes de formation continue ou les organisations auxquelles ils peuvent adhérer pour se mettre à niveau.
Nous pouvons également encourager d’autres avocats qui tentent de faire cette transition. Ne leur disons pas qu’il ne vaut pas la peine d’essayer. C’est ainsi que notre profession perd d’excellents juristes. Nous pouvons tous prendre de petites mesures pour aider ceux qui s’efforcent de changer de domaine de pratique. Il faut d’abord faire preuve d’un peu plus d’ouverture d’esprit.
À propos de l’auteure
Erin C. Cowling est avocate indépendante, chercheuse et rédactrice juridique chez Cowling Legal Freelance, et fondatrice de Flex Legal Network Inc, une société d’avocats pigistes qui aide les avocats et les cabinets d’avocats très occupés à faire face à leur surcharge de travail juridique sur la base de projets.
Cet article a d’abord été publié sur la page des articles de la Section praticien exerçant seul, petit cabinet et pratique générale de l’ABO.