En janvier 2020, une nouvelle décennie a commencé. Avec elle sont arrivées de nouvelles règles pour les plaideurs civils en Ontario. Les modifications récemment apportées à la Règle 76, la procédure simplifiée, ont éveillé le scepticisme de nombreux avocats. D’autres, dont je suis, accueillent à bras ouverts cette nouvelle époque en matière d’exercice juridique.
En résumé, les changements les plus importants apportés à la Règle 76 sont les suivants :
- Un procès devant juge seul – Il n’est plus possible de remettre une convocation du jury en vertu de la règle 47.01, à moins que la cause d’action découle de diffamation, d’un libelle, d’une poursuite malveillante ou d’une arrestation malveillante ;
- Augmentation de la valeur – Le plafond monétaire a été augmenté à 200 000 $ (la compétence de la Cour des petites créances a été augmentée à 35 000 $).
- Preuve lors du procès – La preuve d’un témoin ne peut plus être présentée par un interrogatoire préalable. Le témoignage en interrogatoire principal doit être présenté par affidavit. C’est là un avantage, au sens où les avocats peuvent maintenant rédiger eux-mêmes la preuve du témoin. Une bonne préparation du client ainsi qu’une rédaction pertinente et concise sont des impératifs. Les témoignages d’experts seront aussi soumis sous forme d’affidavits, et les rapports doivent être joints à l’affidavit de l’expert.
- Durée limitée de l’enquête préalable – Chaque partie dispose maintenant, en vertu des nouvelles règles, de trois heures plutôt que de deux, peu importe le nombre de parties à interroger. (En Angleterre et au pays de Galles, ce processus n’existe tout simplement pas. Une demande de renseignements additionnels est plutôt faite après la communication des documents, qui comprennent les énoncés des témoins et des experts.)
- Dépens et débours – Les dépens sont limités à 50 000 $ (TVH non comprise) et les débours à 25 000 $ (TVH non comprise).
- Procès de cinq jours – La durée maximale des procès a été réduite à cinq jours. La gestion du temps entre les parties sera essentielle pour réussir à couvrir les exposés préliminaires, la preuve principale, les contre-interrogatoires et les exposés définitifs en cinq jours.
En tant qu’avocate britannique en lésions corporelles, j’ai l’habitude de travailler avec des lignes directrices semblables à celles de la nouvelle procédure simplifiée ontarienne. En 1996, l’Access to Justice Report de lord Woolf a cerné un certain nombre de principes qui ont nécessité que les règles de procédure civile alors en vigueur au Royaume-Uni soient modifiées et consolidées. Parmi les recommandations, celle qui est peut-être la plus importante selon moi concerne « l’objectif primordial » des nouvelles règles d’exercice, qui ont compris le devoir de « traiter les causes avec équité » en assurant qu’elles soient « proportionnelles aux dépens » et aux débours économisés. En a résulté la création d’un système simplifié pour les litiges civils, et les causes ont été catégorisées comme appartenant à la voie étroite, à la voie rapide ou à des voies multiples. Chaque voie est associée à une limite de valeur et à des processus judiciaires précis que l’avocat doit respecter pour faire avancer la cause.
La majorité des causes dont je me suis occupée appartenaient au système de la voie rapide ; il s’agit de réclamations dont la valeur va de 10 000 £ à 25 000 £ (environ 17 000 $ à 43 000 $ CA), en plus de frais judiciaires fixes et uniquement des débours raisonnables. (Les réclamations pour lésions, au Royaume-Uni, ont généralement une valeur bien moindre qu’en Ontario.) Les instructions pour la gestion des causes sont personnalisées par le juge au cas par cas, y compris la manière dont les preuves (écrites ou orales) de témoins et d’experts sont présentées lors du procès. Les procès durent généralement un ou deux jours, devant un juge seul.
Lorsque je réfléchis à l’élimination des procès avec jury en Ontario, je pense à la faculté de droit, quand j’ai étudié une cause de la cour d’appel que présidait lord Denning. Dans Ward v James [1966] 1 QB 273, CA, un appel a été interjeté parce que le juge avait annulé le jury dans une cause relative à des lésions corporelles. L’appel a été rejeté, la cour déterminant qu’un jury n’aurait pas eu l’expertise ni les connaissances appropriées pour évaluer les dommages dans certains cas de préjudice corporel et, donc, qu’un procès devant juge était le mode à privilégier. Dans les années qui ont suivi cet arrêt, les procès avec jury dans les actions civiles sont pratiquement devenus non existants. Même si le procès avec jury demeure un pouvoir discrétionnaire au Royaume-Uni et au pays de Galles, à moins que la cause ne concerne la fraude, la séquestration, la poursuite malveillante et, dans certains cas, la diffamation, les avocats en lésions corporelles doivent s’attendre à préparer un procès devant juge seul. Cela mène à un arriéré moins chargé et à un meilleur usage des ressources judiciaires.
À la lumière de ces changements, mon objectif comme avocate se résume à une chose : une préparation méticuleuse. La rédaction efficace, avançant des arguments logiques en harmonie avec des revendications succinctes, est devenue une seconde nature. Tout ce que j’écrivais et disais serait sans doute examiné par un juge qui en sait plus long qu’un jury et qui pardonne moins. Le juge en arriverait à ses conclusions selon ma façon de présenter mes témoins et selon les experts que j’avais choisis. Il n’avait jamais été aussi important de préparer une cause, et s’assurer que le client était bien préparé était tout aussi crucial.
Bien sûr, certaines causes n’étaient pas aussi faciles à traiter en vertu du processus simplifié. Dans ce cas, mon objectif devenait de procéder à une négociation solide et efficace pour régler l’affaire. En Ontario, la médiation est encore une étape obligatoire en vertu de la procédure simplifiée à Ottawa, Toronto et dans le comté d’Essex.
Les tribunaux font des efforts depuis longtemps pour favoriser le règlement à l’amiable. Nonobstant le nouveau processus simplifié menant au procès, il est généralement désirable d’encourager votre client à passer en médiation, même en dehors des lieux où cela est obligatoire, si la cause risque de coûter plus de 75 000 $ en frais et débours suivant le procès. Comme vous ne pouvez pas récupérer une somme plus élevée même si le demandeur a gain de cause au procès, il peut être de la plus haute importance de parler à votre client de la médiation.
La nouvelle Règle peut sembler présenter beaucoup de nouveauté, mais j’ai travaillé avec des contraintes similaires dans le passé, et je crois qu’il s’agit d’un changement positif. Au Royaume-Uni, j’ai trouvé que travailler avec ces paramètres faisait de moi une avocate plus efficace. J’étais forcée de me concentrer sur le travail nécessaire et forcée de ne prendre que les mesures qui avaient une incidence directe sur la réussite de la cause. Il s’agit d’une mesure d’économie qui profite au client, au système judiciaire et à l’avocat. J’ai espoir que l’Ontario obtiendra des résultats similaires.
À propos de l’auteure
Afsana Gibson-Chowdhury est médiatrice en Ontario et avocate en lésions corporelles au Royaume-Uni. www.gcmediation.com
On peut la joindre par courriel à afsana@gcmediation.com ou par téléphone au 647 518-3166.