Josh Lokko voulait devenir avocat depuis toujours.
« Enfant, j’aimais déjà lire et débattre, et c’est probablement pourquoi les gens de mon entourage avaient la réaction classique de me dire que je devrais être avocat, dit l’étudiant en quatrième année du programme de JD/MBA de l’Université de Toronto. Mes deux parents sont allés à l’université et considéraient qu’étudier en droit faisait partie de mes possibilités. Ce n’est pas vrai pour tout le monde. »
Cet écart en matière de capacité à saisir les occasions fait que moins d’étudiants noirs décident d’étudier en droit. Et c’est ce qui a inspiré le programme Black Future Lawyers (BFL) à l’Université de Toronto.
La faculté de droit a lancé l’initiative en novembre l’année dernière. Elle vise une « profession juridique qui reflète la diversité de la société canadienne » et l’objectif du BFL est d’arriver à cette réalité en appuyant les étudiants noirs, de leur demande d’admission à la faculté de droit à leur entrée dans la profession.
« Notre faculté de droit est plus forte lorsque le plus vaste éventail de gens possible participe et que nous les aidons à réaliser leur plein potentiel, a dit Alexis Archbold, vice-doyenne du programme de JD de l’université. De plus, un véritable accès à la justice au Canada ne pourra être atteint sans que la profession juridique représente la diversité de la société canadienne. Tout cela signifie que nous devons être proactifs et faire des efforts délibérés pour réduire les obstacles qui entravent l’accès à l’éducation juridique. »
Ce n’est pas la première fois qu’une telle initiative est lancée au Canada. À la faculté de droit Schulich, à Halifax, l’Indigenous Black & Mi’kmaq (IB&M) Initiative ouvre des possibilités pour les futurs avocats depuis maintenant 30 ans.
Charlene Theodore, vice-présidente de l’Association du Barreau de l’Ontario, a elle-même bénéficié du programme, et sait à quel point il peut s’avérer transformateur.
« Pour réaliser un changement substantiel dans n’importe quel secteur, il faut d’abord repérer les obstacles uniques aux personnes qui ont historiquement été exclues, puis élaborer des solutions qui rétablissent des règles du jeu véritablement équitables », a dit Me Theodore, qui a assisté au lancement du BFL et l’appuie avec enthousiasme. « Sous la direction de la professeure Michelle Williams, l’initiative IB&M va au-delà de ce standard. »
« L’ABO appuie le programme Black Future Lawyers, et j’espère que plus de bureaux et d’organisations feront de même et appuieront les programmes de Schulich et de l’Université de Toronto. »
Une telle initiative n’est pas une première pour l’Université de Toronto non plus. En 2017, sa faculté de médecine avait lancé le Black Student Application Program. Depuis sa création, la faculté a vu une augmentation importante du nombre d’étudiants noirs dans son programme de doctorat en médecine (MD).
Lisa Robinson, vice-doyenne du bureau de l’inclusion et de la diversité de la faculté de médecine, dit qu’en 2018-2019, 14 étudiants noirs ont commencé le programme, alors qu’en 2016-2017, il n’y en avait eu qu’un seul. En 2019-2020, 15 étudiants noirs ont commencé le programme de MD. Elle rapporte que l’augmentation est directement due au Black Student Application Program et au programme de soutien communautaire, qui offre du mentorat aux étudiants universitaires.
Le programme BFL espère obtenir des résultats similaires. Sa programmation comporte trois volets destinés aux étudiants noirs au premier cycle : des activités d’engagement conçues pour augmenter les connaissances des étudiants sur l’éducation et la profession juridiques, du mentorat et d’autres appuis pour aider les étudiants à soumettre une demande d’admission en droit, et une trajectoire unique pour l’admission.
« Les objectifs et les activités du BFL ont été basés sur les expériences et les témoignages de nos étudiants en droit noirs, de nos diplômés noirs, de nos étudiants noirs au premier cycle et de membres de la profession, dit Me Archbold. Le groupe de travail du BFL inclut des étudiants en droits de l’Association des étudiants en droit noirs et des membres du personnel de la faculté. Nous avons consulté nos diplômés noirs ainsi que des étudiants noirs au premier cycle à l’Université de Toronto. »
Comme membre du groupe de travail du BFL, Josh Lokko peut envisager les changements que ce programme pourrait entraîner.
« À long terme, je crois que ce programme a le potentiel de changer la démographie de la profession juridique au Canada, dit-il. La représentation commence en amont, et le BFL vise à créer une trajectoire pour les étudiants noirs qui seront ainsi bien équipés pour les études en droit et prêts à réussir aux plus hauts échelons. D’ici quelques décennies, les diplômés du BFL seront associés, juges, professeurs, avocats généraux, procureurs de la Couronne, et plus encore. Les étudiants noirs n’auront plus besoin de se demander s’ils seront en mesure de réussir. »
Le mentorat sera l’une des clés de la réussite. Le BFL cherche donc des avocats noirs pour agir comme mentors, des bénévoles diplômés de facultés de droit de partout au Canada. L’ABO s’implique activement en mentorat depuis des années, et considère qu’il s’agit d’une excellente manière de bâtir une collectivité inclusive et d’offrir du soutien à tous les avocats à mesure que progressent leurs études et leurs carrières.
« Les mentors offrent de l’orientation sur les méthodes pour réussir à la faculté de droit et trouver un emploi dans les meilleurs bureaux, et parrainent leurs protégés lorsque ceux-ci commencent à travailler. Pour les étudiants issus d’une minorité, cependant, les mentors offrent aussi des conseils sur la manière de naviguer dans des endroits où les étudiants peuvent se sentir mal à l’aise, et leur assurer qu’ils peuvent réussir », ajoute M. Lokko, qui est également président de l’Association des étudiants noirs en droit du Canada. « Quand un étudiant noir vous voit, vous, avocat occupé issu de n’importe quel milieu, lui offrir du temps pour l’aider, vous lui montrez qu’il est à sa place et que sa réussite compte pour vous et pour la profession. Les bénévoles ont une importance cruciale pour le succès du programme. »
M. Lokko dit que jusqu’à présent, la réaction de la collectivité juridique a été très positive. Il sait cependant qu’il faudra continuer à établir des partenariats et tisser des liens à mesure que le programme gagnera en maturité.
« Le droit est une profession de privilégiés, et il faudra du temps pour renverser l’exclusion officielle et non officielle que les Noirs ont historiquement vécue, dit-il. Les programmes comme le BFL et les groupes comme l’Association des étudiants noirs en droit du Canada contribuent à accélérer ce changement. J’ai hâte de voir de quoi aura l’air la profession juridique dans 20 ans. »
Pour apprendre comment vous pouvez vous impliquer et devenir mentor bénévole auprès du programme Black Future Lawyers, visitez le https://bfl.law.utoronto.ca/volunteer-mentoring-program.