Comme je suis avocat plaidant et procureur spécialisé en successions et fiducies, les clients s’attendent à ce que j’aie une compréhension du droit exhaustive et détaillée. Non seulement cela exige une connaissance approfondie des principes historiques qui forment la fondation du droit des successions et fiducies en Ontario (l’arrêt anglais Banks v Goodfellow fait toujours autorité en ce qui concerne la capacité de faire un testament), mais aussi être au fait des nouvelles tendances et de leur évolution. Voici donc certains des sujets chauds que les procureurs qui exercent en successions et fiducies devraient avoir à l’œil.
Les testaments multiples
En planification successorale, on utilise communément les testaments multiples pour réduire l’impôt sur l’administration des successions que doit verser la succession, étant donné que seuls les actifs qui exigent une homologation sont inclus dans le testament homologué (que l’on appelle maintenant le certificat de nomination à titre de fiduciaire de la succession testamentaire). Cette pratique a été renversée, puis rétablie, par deux décisions de la Cour supérieure de justice, Re Milne Estate et Re Panda Estate, et par la décision de la Cour divisionnaire dans Re Milne Estate. Même si la Cour supérieure, dans Re Milne Estate, avait soulevé des inquiétudes concernant la validité et l’usage des testaments multiples, en particulier l’utilisation de dispositions de répartition discrétionnaire, la Cour divisionnaire a clarifié que les dispositions de répartition discrétionnaire n’entraînent pas l’invalidité du testament. Dans Re Panda Estate, la Cour supérieure de justice a déterminé qu’un testament n’est pas une fiducie. Ces arrêts garantissent qu’il est toujours permis d’utiliser des testaments multiples. Néanmoins, les avocats doivent faire attention au libellé des dispositions d’attribution (aussi appelées clauses omnibus). Le ministère des Finances a également publié sa position en ce qui concerne la formulation proposée des testaments principaux et secondaires. On peut la consulter ici (en anglais).
Les outils technologiques
Les progrès technologiques ont fait leur chemin jusqu’aux fiducies et successions. NoticeConnect a lancé Canadian Will Registry, qui permet aux avocats de téléverser des renseignements sur les testaments qu’ils entreposent ainsi que de transférer, recevoir et organiser les dossiers numériques qui y sont reliés. Hull e-state Planner est un logiciel sophistiqué pour la planification et la rédaction. Il se sert de l’intelligence artificielle pour guider avocats et clients le long du processus de planification testamentaire. Les visualisations graphiques améliorent l’expérience du client, tandis que la création automatique d’un testament complet et d’autres documents de planification successorale fait gagner du temps à l’avocat et prévient bien des erreurs.
Biens numériques
L’introduction de la technologie en planification et administration successorales ne s’arrête pas là. Les biens numériques, expression la plus en vogue en 2019 en successions et fiducies (titre décerné arbitrairement par… moi), continuent d’attirer l’attention. Même si je considère que je suis un utilisateur « léger » du numérique, j’ai deux adresses courriel personnelles, quatre comptes de médias sociaux, et j’ai accumulé de nombreux points par l’entremise de programmes de récompenses, comme Aeroplan, Indigo, PC Optimum, Greenhouse Juice, et cette liste n’est pas exhaustive. Comme les biens numériques ont une valeur à la fois financière et personnelle, les avocats commencent à voir ces biens dans le contexte de la planification successorale et des questions juridiques qui se posent lorsqu’ils conseillent leurs clients sur leur capacité à transférer et à échanger ces primes.
Liberté testamentaire
Aux extrémités opposées du pays, la liberté testamentaire est revenue dans l’actualité juridique, avec des résultats opposés. En Colombie-Britannique, dans Grewal v Litt, le tribunal a limité l’autonomie testamentaire après qu’un testateur ait laissé approximativement 96 % de sa succession valant 9 millions de dollars à ses fils, et seulement environ 1,5 % à chacune de ses filles, suivant l’adhérence du testateur à des valeurs culturelles traditionnelles. À l’opposé, dans la décision Lawen Estate v Nova Scotia Attorney General, la cour de la Nouvelle-Écosse a conclu que la liberté testamentaire d’un défunt faisait l’objet d’une protection constitutionnelle en vertu de l’article 7 de la Charte. En Ontario, l’arrêt Spence v BMO Trust Company, qui adhère à la liberté testamentaire, fait toujours autorité. Il semble toutefois que les avocats devraient, plus que jamais, prendre des notes méticuleuses au moment d’obtenir les instructions de leurs clients, et s’assurer de poser les questions appropriées en ce qui concerne les décisions prises au sujet des bénéficiaires.
Faire un (ou plus d’un) testament n’est pas aussi simple que cela peut sembler. Certains enjeux, comme ceux que j’ai mentionnés dans cet article, exigent une planification soignée et une réflexion approfondie. Les clients s’attendent à ce que leurs avocats comprennent ces tendances et fournissent de bons conseils.
Novembre, pour l’Association du Barreau de l’Ontario, est le Mois du testament. Dans le cadre de celui-ci, les membres de l’ABO aident le public à comprendre l’importance d’avoir un testament rédigé par un avocat. Si vous souhaitez animer bénévolement l’une des nombreuses séances organisées à travers l’Ontario pour le Mois du testament, communiquez avec le Bureau des conférenciers.
À propos de l’auteur
Noah Weisberg est avocat adjoint chez Hull LLP. Il préside l’exécutif de la Section Droit des fiducies et des successions de l’ABO.