Quand une salle d’urgence a trop de patients et pas assez de médecins pour répondre à la demande, certains hôpitaux déclarent alors un « code census ». De façon similaire, il peut arriver que, dans les cabinets juridiques, les demandes des clients dépassent les ressources requises pour y répondre. Le présent article résume les mesures que peuvent prendre les avocats pour éviter un code census et celles qu’ils peuvent prendre si la situation se produit, tout en continuant de respecter leurs obligations professionnelles.
Obligations professionnelles
Le Barreau du Haut-Canada (le « Barreau ») énonce des exigences précises pour les avocats dans la gestion de leur exercice et leur réponse aux demandes des clients. Voici quelques extraits pertinents du Code de déontologie et quelques Lignes directrices sur la gestion d’un cabinet juridique du Barreau du Haut-Canada à garder en tête :
Article 3.1-1(d) – La compétence
L’« avocat compétent » doit « communiquer l’information à toutes les étapes pertinentes de l’affaire, et ce, rapidement et efficacement »;
Articles 7.1-1 et 7.2-5 – Communications au Barreau et à d’autres
Les avocats doivent répondre « sans délai » « à toute communication provenant du Barreau » exigeant une réponse. Ils doivent aussi répondre « dans les meilleurs délais » à toutes les communications d’autres praticiens juridiques qui exigent une réponse, et ils doivent remplir leurs engagements « de façon ponctuelle ».
Ligne directrice sur la gestion d’un cabinet juridique : service à la clientèle et communications
Cette ligne directrice suggère qu’un avocat doit répondre à ses clients « à temps ». Elle suggère aussi de mettre en œuvre une politique au sein du cabinet voulant qu’un avocat ou le personnel de soutien réponde « à tous les messages des clients dans un délai de 24 heures » et que les messages urgents soient priorisés.
Reconnaissant qu’il n’est pas toujours possible de répondre aussi rapidement, surtout quand l’avocat est débordé de travail, nous avons rédigé quelques mesures que les avocats peuvent prendre, ainsi que suggéré des ressources, qu’elles soient internes ou externes, pour vous aider à respecter vos obligations professionnelles envers vos clients, les avocats adverses et le Barreau.
Ressources internes
Il se peut que les ressources existent déjà au sein de votre cabinet juridique pour prévenir le code census, mais qu’il soit nécessaire de les mettre à bon usage :
Communiquez : c’est essentiel
Robert Shawyer, directeur de Shawyer Family Law and Mediation, recommande de prendre le temps de communiquer avec les clients, ce qui « peut sembler élémentaire », selon lui, mais « si vous communiquez avec efficacité et uniformité avec vos clients, vous préviendrez leurs appels constants et leur ingérence dans votre horaire.
Développez des processus
Pour simplifier votre travail, mettez en œuvre des systèmes et des processus. Développez, par exemple, des processus fixes pour un nouveau client, l’ouverture d’un dossier, les registres et la facturation, ainsi que pour les fermetures de dossier. Vous n’aurez pas à réinventer la roue chaque fois. Assurez-vous que tous au bureau, employés comme avocats, respectent les processus.
Servez-vous de précédents
Une autre façon de gagner du temps consiste à créer des gabarits, recommande l’avocate exerçant en solo Kathleen Robichaud, et « à les garder à jour et en ordre ». Si vous n’avez pas de gabarit, trouvez-en. Assurez-vous d’avoir un contrat de services juridiques très détaillé, clair quant aux obligations que vous avez envers les clients et quant aux obligations qu’ils ont envers vous. Si votre travail vous force souvent à vous absenter du bureau, il peut être sage d’expliquer pourquoi vous n’y êtes pas en tout temps. Clarifier ces questions dès le départ prévient de plus longues conversations plus tard. Le Barreau et LawPro ont plusieurs gabarits de contrat de services juridiques.
Ne touchez rien plus d’une fois
Kathleen suggère aussi de mettre à profit votre système de rappel et de faire ce qui est possible immédiatement. Elle dit que cela fait partie de la philosophie « toucher un papier une seule fois ». Ne remettez pas à demain ce que vous pouvez faire aujourd’hui, et prenez le temps de bien faire les choses dès la première fois.
Sous-traitance
Que faire quand vous n’avez pas les ressources requises dans votre cabinet juridique ? Considérez la possibilité de faire appel à la sous-traitance.
Mentor
Kathleen suggère d’avoir au moins un avocat très expérimenté et au moins un avocat dont l’expérience est similaire à la vôtre auxquels faire appel quand vous ressentez de l’incertitude quant à comment procéder. Souvent, un bref appel ou un courriel peuvent éviter une tonne de problèmes.
Avocats pigistes
Kathleen et Robert mettent tous deux l’accent sur le besoin de déléguer : « Déléguez ! Déléguez ! » Un certain nombre d’avocats compétents et expérimentés ont adopté le mode de vie de la pige et se rendent disponibles pour vous aider avec le surplus de travail juridique, y compris la recherche, la rédaction, les apparitions en cour, la vérification préalable, etc. Ces avocats pigistes peuvent vous aider si une instance ou une grosse transaction menacent de forcer votre cabinet à déclarer le code census. L’avantage de la sous-traitance par des avocats pigistes est qu’ils sont là quand vous avez besoin d’eux, mais qu’ils n’entraînent pas les mêmes frais généraux qu’un associé à temps plein.
Adressez le client ailleurs
Parfois, il est nécessaire de dire « non ». Cela veut dire refuser des dossiers qui ne correspondent pas à votre domaine de spécialisation. Si vous avez le choix des clients (un associé au sein d’un cabinet ne l’a pas nécessairement) et que vous trouvez qu’il est difficile d’interagir avec une personne, adressez-la à un autre avocat. Apprenez à discerner quels clients paient et lesquels vous aurez probablement à pourchasser. Si vous craignez de devoir courir après un client particulier pour être payé, faites un suivi serré et servez-vous de contrats à portée limitée. N’hésitez pas à mettre fin à votre relation d’affaires si, une fois une tâche précise réalisée, le client tarde à payer.
Prenez soin de vous
N’oubliez pas de prendre soin de vous. Il ne faut pas que vous finissiez dans une vraie salle d’urgence. Si vous vous sentez débordé, vous pouvez vous tourner vers le programme d’aide aux membres qu’offre le Barreau. « Prenez du temps pour votre famille et assurez-vous que vos associés et employés obtiennent et prennent congé pour eux-mêmes ou pour passer du temps en famille », souligne Robert.
Kathleen recommande aussi, le plus possible, d’exercer dans un domaine que vous aimez. Cela vous donne de l’énergie et les clients apprécieront votre dynamisme. Vous ferez probablement du meilleur travail, et serez payé en entier et rapidement.
Le Barreau a également une ligne directrice sur la gestion personnelle qui fournit des renseignements sur des mesures que les avocats peuvent prendre pour gérer leur bien-être personnel, physique et mental, et souligne que sans avocats en santé, on ne peut avoir une entreprise ou un cabinet en santé.
Conclusion
Pour utiliser un vieil adage, la meilleure défense est souvent une bonne offensive. Prenez dès maintenant des mesures pour ne pas être débordé par les demandes des clients, déléguez à l’interne ou à l’externe et demandez de l’aide quand vous en avez besoin. Et surtout, prenez soin de l’actif le plus précieux de tous : vous !
À propos des auteurs
Samantha Biglou est plaideuse en droit civil au cabinet Mason Caplan Dizgun and Roti LLP. Depuis 2014, Samantha siège à l’exécutif de la Section Praticien exerçant seul, petit cabinet et pratique générale de l’Association du Barreau de l’Ontario. En 2017, elle a coprésidé le premier colloque annuel sur la responsabilité de produit au nom de la Canadian Defence Lawyers Association. Samantha s’implique activement dans la collectivité et sert fréquemment de juge bénévole ou de mentor pour les programmes de procès simulés des niveaux élémentaire, universitaire et supérieur.
Erin Cowling est une ancienne plaideuse de grand cabinet devenue avocate pigiste et entrepreneure juridique. Elle a fondé Flex Legal, un réseau d’avocats pigistes expérimentés qui aident les praticiens exerçant seuls, les cabinets et les contentieux d’entreprise sur une base contractuelle ou ponctuelle. Erin est fréquemment invitée comme conférencière sur les pratiques juridiques alternatives et l’avancement des femmes dans la profession, des sujets dont elle traite souvent dans son blogue primé. Elle siège aussi à l’exécutif de la Section Praticien exerçant seul, petit cabinet et pratique générale de l’Association du Barreau de l’Ontario et à celui du Forum des avocates.