« Je ne sais pas où j’irai à partir d’ici, mais je promets que ce ne sera pas ennuyant. »
- David Bowie, au Madison Square Garden, à l’occasion de son 50e anniversaire
L’unique David Bowie n’avait pas la réputation d’être ennuyeux et, à la suite de sa mort, les avocats du monde entier ont une fois de plus l’occasion de s’étonner de son originalité.
Pendant toute sa carrière, du début des années 1960 à sa mort causée par le cancer du foie le 10 janvier 2016, David Bowie s’est donné corps et âme pour créer des chansons remarquables et livrer à son public dévoué des prestations émouvantes.
Bowie s’est attiré les éloges du monde entier pour sa capacité à repousser les frontières, à remettre en question les conventions et à élargir les horizons de la chanson et de l’art scénique. Il a fait tout cela non seulement par ses textes et sa présence scénique, mais aussi en réinventant constamment son image et ses sonorités.
Son talent innovateur et son aptitude à défier les normes sociales dépassaient sa musique, s’étendant jusqu’au domaine – tenez-vous bien – de la planification successorale.
La légende qui est allée si loin pour se plonger dans la peau de Ziggy Stardust, son alter ego fictif, avait aussi le don d’être un « rebelle, rebelle » relativement à sa planification successorale.
Dans les années 1970 et 1980, Bowie a, paraît-il, eu des difficultés à respecter ses obligations financières. Il avait besoin de trouver une manière d’obtenir des entrées d’argent sûres. Bowie comprenait aussi que la façon dont les gens consommaient et vendaient de la musique allait subir des changements radicaux : il l’avait même prédit. Il a reconnu le besoin de prendre le contrôle de la distribution de ses œuvres et de créer un plan pour s’assurer qu’il garderait ce contrôle sur ses actifs créatifs et que ceux-ci seraient transmis à sa famille.
Après son mariage avec sa seconde épouse, Iman, au début des années 1990, Bowie a rencontré des conseillers financiers afin de créer un instrument de placement qui lui fournirait une source de revenus sûre en prévision de l’incertitude croissante et du caractère de plus en plus imprévisible des marges de profit de l’industrie musicale. C’est ainsi qu’a été développé son plan d’investissement et plan successoral ingénieux.
En 1997, avec son gestionnaire commercial, un placeur réputé de Wall Street, David Pullman, Bowie a créé un titre adossé à des actifs reposant sur la valeur de la musique qu’il avait produite de 1969 à 1990, c’est-à-dire 25 albums et 287 chansons. Ces titres, surnommés « actions Bowie », ont permis à Bowie de protéger ses réalisations artistiques et ses droits relatifs à ses chansons et prestations tout en générant en même temps un revenu régulier. Ce faisant, Bowie s’est assuré que son héritage créatif reste au sein de sa famille et soit légué selon ses plans.
Comment les actions Bowie fonctionnaient-elles ?
Alors que les titres adossés à des actifs habituels sont constitués de créances, comme des créances de cartes de crédit ou des prêts sur la valeur nette d’une propriété (pensez aux prêts hypothécaires qui ont mené à la crise de 2008), les actions Bowie sont adossées aux œuvres artistiques irremplaçables de David Bowie, notamment ses lucratifs succès « Changes » et « Let’s Dance ». En d’autres mots, Bowie a émis des titres en les adossant aux revenus de droits d’auteur futurs de son portefeuille artistique pré-1990.
Bowie a vendu ses actions, en 1997, à Prudential Insurance Co. of America pour 55 millions de dollars. En contrepartie, il a abandonné ses droits à tout paiement de droits d’auteur sur toutes les chansons du portefeuille pour une période de 10 ans. Les actions ont fonctionné comme une rente, offrant un taux d’intérêt de 7,9 % pour cette période de 10 ans. Après 10 ans, les actions arriveraient à échéance.
Comme Bowie l’avait prédit, l’industrie de la musique s’est transformée. À partir du début des années 2000, des millions de jeunes Américains se sont tournés vers Napster et d’autres programmes en ligne de partage de fichiers médiatiques pour télécharger et écouter de la musique. Cela a causé une baisse marquée des ventes d’albums et une réduction des revenus que les artistes tiraient des droits d’auteur. Ainsi, en 2004, la cote d’évaluation d’investissement des actions Bowie a baissé et la valeur du portefeuille a été temporairement dévaluée.
Si ses admirateurs n’avaient plus à acheter les albums ou les disques de Bowie pour fredonner « Fame » avec lui, cela n’a pas empêché Bowie d’encaisser les actions à leur échéance. Le moment auquel les actions sont arrivées à échéance en 2007 a été particulièrement providentiel, précédant de peu le krach financier de 2008.
Bowie s’est servi des actions comme d’une sorte de planification successorale, afin de pouvoir créer une source de revenus fiable pour lui-même, qui puisse plus tard soutenir son épouse et ses deux enfants. Il est probable, bien qu’on ne puisse l’affirmer, que Bowie aurait structuré ses actifs de manière à ce que la plupart, sinon tous, puissent passer à l’extérieur de la succession.
Les actions Bowie étaient un instrument d’économie fiscale et de planification successorale servant aussi à garantir que le catalogue musical serait transmis à sa famille.
On dit que l’empire financier bâti par Bowie vaut maintenant environ 200 millions de dollars. La proportion de cette fortune issue des actions est incertaine, mais nous savons que dans le domaine de la finance et des successions, Bowie est devenu un héros, et pas seulement celui d’une journée. Plus de musiciens auraient peut-être avantage à se tourner vers le monde de la finance pour structurer leurs successions.
À propos de l'auteur
Amanda Bettencourt, WEL Partners.