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Examiner le point de rencontre entre l’obésité et le handicap dans le contexte du Code des droits de la personne de l’Ontario

  • 13 décembre 2017
  • Richa Sandill

C’est une époque palpitante pour le droit en matière de droits de la personne en Ontario. Le Tribunal et les cours accordent des dommages-intérêts toujours plus élevés et les limites sont repoussées dans tous les domaines visés par les motifs de discrimination prohibés énumérés dans le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code). Parmi eux, le handicap, en particulier, a été le théâtre d’une évolution et une expansion importantes.  

De nos jours, l’obésité en tant que trouble de la santé fait l’objet d’une attention soutenue, sans pourtant avoir été incluse dans la définition du handicap proposée par le Code. À titre d’information, est obèse toute personne dont l’indice de masse corporelle (IMC) excède 30. Selon un article récemment publié par le National Post (disponible uniquement en anglais), le taux d’obésité a été multiplié par quatre au cours des trente dernières années et, selon les estimations, 1,2 million de Canadiens et Canadiennes ont un IMC supérieur ou égal à 35.

L’article précité soutenait que l’obésité devrait être un motif de discrimination prohibé par la législation sur la protection des droits de la personne; une approche prônant son inclusion dans cette définition de plus en plus élargie du handicap. Il s’agit d’une classification difficile à effectuer, la jurisprudence antérieure ayant conclu que l’obésité ne constitue ni un handicap ni une déficience à moins qu’elle n’ait été causée par une blessure, une déficience congénitale ou une maladie[1]. Du point de vue médical, un handicap peut résulter d’un vaste éventail de facteurs dont on peut soutenir que certains pourraient ne pas être des troubles de la santé préexistants ou relevant de la médecine en tant que science. Qui plus est, comme le souligne cet article, le fait de décrire l’obésité comme un « handicap » pourrait générer une perception ou une distinction injuste pour les personnes obèses.

Il existe malgré tout des raisons pour lesquelles il pourrait être avantageux de qualifier l’obésité de handicap aux seules fins de la protection des droits de la personne.   

Évolution de la jurisprudence  

Depuis quelques années, la jurisprudence semble avoir évolué vers une inclusion de l’obésité, du moins sous ses formes les plus graves. Ainsi, dans l’affaire Ball v. Ontario (Community and Social Services)[2], le Tribunal a affirmé, après avoir conclu à l’existence d’une [traduction] « obésité extrême », qu’elle satisfaisait à définition de « handicap ».

La décision Ball correspond aux récentes perspectives fédérales et internationales sur la question. En 2008, la Cour suprême du Canada a confirmé une décision de l’Office des transports du Canada qui affirmait que la règle « une personne, un tarif » d’un transporteur aérien est discriminatoire envers les personnes [traduction] « handicapées par l’obésité », c’est-à-dire celles dont l’IMC est supérieur ou égal à 40[3]. De même, la Cour de Justice de l’Union européenne a conclu en décembre 2014 que la décision d’une municipalité de renvoyer un assistant maternel à son emploi au motif de son extrême obésité (son IMC était de 50) pouvait être équivalant à une discrimination fondée sur un handicap si son handicap limitait sa capacité à exercer intégralement et efficacement sa profession[4].

Handicaps perçus

Il est intéressant de noter que dans l’affaire précitée tranchée par la Cour de justice de l’Union européenne, le plaignant gravement obèse pendant les 15 années qu’avait duré sa carrière avait été licencié. Sa lettre de licenciement ne mentionnait pas spécifiquement son obésité, mais lui a été adressée après qu’il avait été vu une fois dans l’incapacité de se baisser pour lacer ses chaussures, ce qui a peut-être conduit l’employeur à présumer que son employé ne pouvait s’acquitter de ses fonctions.

Les perceptions attachées à l’obésité sont probablement plus gênantes que l’obésité elle-même. Il suffit de faire une recherche sur l’humiliation en raison du poids pour comprendre la stigmatisation attachée au surpoids ou à l’obésité ou aux deux. La Cour suprême du Canada a affirmé dans l’arrêt Granovsky c. Canada[5] que l’analyse de la discrimination devrait porter sur ce genre de « création d’un handicap social », c’est-à-dire la réaction de la société à un handicap réel ou perçu[6]. Si c’est bien le cas, cela milite largement en la faveur de la classification de l’obésité en tant que handicap si les perceptions qui y sont liées empêchent la personne de vivre pleinement au sein de la société.

Définition large du handicap                                           

Si une personne obèse doit surmonter des obstacles discriminatoires pour vivre pleinement au sein de la société, la définition du handicap fournie par le Code est assez ouverte pour permettre sa protection.

Le principal objet du Code est d’accorder des droits aux personnes afin de leur permettre de se protéger contre la discrimination fondée sur les motifs prohibés qu’il énumère. Alors que ces droits ne sont pas illimités, ils devraient être interprétés largement, en fonction de l’objet de la législation et du contexte.

Le Tribunal a toujours affirmé que la notion de handicap telle que le Code la présente devrait être « interprétée largement »[7]. Depuis quelques années, les questions de santé mentale, les dépendances, et même les effets des avortements spontanés ont été reconnus comme des handicaps. Il ne sera pas surprenant que l’obésité soit ajoutée à la liste dans un proche avenir, si ce n’est alors que pour fournir une protection en vertu du Code aux personnes qui souhaitent s’en prévaloir dans les circonstances appropriées. 

 

A propos de l'auteur

Richa Sandill est avocate adjointe chez Rudner MacDonald LLP, une firme qui se spécialise en droit du travail. Elle est devenue membre du Barreau en 2016 après un stage dans le même bureau.

Elle est une membre de la Section Droit constitutionnel, libertés civiles et droits de la personne de l’ABO et membre de l’exécutif du Forum des avocates.

 


[1] Ontario (Human Rights Commission) v. Vogue Shoes (1991), 14. C.H.R.R. D/425 (disponible uniquement en anglais).

[2] Ball v. Ontario (Community and Social Services) 2010 HRTO 360 (disponible uniquement en anglais).

[3] Norman Estate v. Air Canada 2008 CarswellNat 1633 (disponible uniquement en anglais).

[4] Affaire C-354/13, Fag og Arbejde c. Kommunernes Landsforening, ECLI:EU:C:2014:2463 (2014). 

[5] Granovsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 RCS 703.

[6] Commission ontarienne des droits de la personne, « Qu’entend-on par handicap? » Politique sur le capacitisme et la discrimination fondée sur le handicap, disponible à l’adresse suivante : http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-le-capacitisme-et-la-discrimination-fond%C3%A9e-sur-le-handicap/2-qu%E2%80%99entend-par-handicap.

[7] McLean v. DY 4 Systems, 2010 HRTO 1107 (disponible uniquement en anglais).

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