Two young Girls among a group of Emus

Un rêve devenu réalité

  • 17 octobre 2016
  • Barbara Warner

Lors d’une discussion sur mon intention de prendre une pause de la pratique du droit en vue de parcourir le monde en compagnie de mon conjoint et de nos deux enfants, une connaissance m’a demandé si un voyage autour du monde n’était pas plutôt un projet pour la retraite. Ma réponse a été de lui dire que nous souhaitions réaliser cette aventure pendant que nous étions encore capables de suivre le rythme avec nos jumeaux alors âgés de 10 ans.

Ce projet était mûrement réfléchi, et il ne s’agissait pas que de réserver des billets d’avion qui nous feraient faire le tour de monde. Nous avons sauté à pieds joints dans cette aventure : nous en parlions déjà il y a de cela au moins dix ans, entre la période de mes examens du Barreau, à Ottawa, et le moment où nous nous sommes installés à Toronto. Nous envisagions de vendre notre maison en rangée de toute façon, alors nous nous sommes dit qu’il fallait profiter de quelques mois pour déménager et voir le monde.  

D’abord, nous devions décider du concept du voyage. Au début, j’avais pensé prendre des « vacances-travail », où au moins un de nous deux occuperait un emploi dans un autre pays, et avoir une maison qui servirait de point d’attache pour nos déplacements les weekends et les jours fériés. Mon conjoint, Julian, envisageait le concept autrement – pas question pour lui de travailler, notre pause devait être entièrement consacrée au voyage, même s’il fallait écourter considérablement notre séjour à l’étranger. Julian n’était pas chaud à l’idée de travailler de 9 à 17 heures tout en composant avec les contraintes de langue et le choc culturel. Après avoir passée une grande partie de ma vie dans des salles de classe (à l’exclusion du temps passé en stage), j’étais fin prête à travailler et m’établir à un nouvel endroit pour un certain temps.

Paradoxalement, Julian était celui qui avait la capacité de trouver du travail à l’étranger en anglais; il travaille dans le domaine des technologies de l’information et dispose d’un passeport européen. De mon côté, je ne pouvais pas faire grand-chose avec un diplôme en droit canadien à l’extérieur de l’Angleterre ou d’autres pays du Commonwealth; il m’aurait fallu travailler sur mon réseau de contacts et avoir de la chance pour décrocher un poste en recherche ou en enseignement de l’anglais. Nous avons donc lancé l’idée d’aller explorer le monde en solo sur une plus courte période, mais nous avons rapidement abandonné cette idée – le prix des maisons à Toronto nous fait prendre conscience qu’il valait mieux utiliser notre argent, dédié au voyage, pour faire un acompte sur une maison.

L’idée avait germé, il nous fallait seulement attendre un autre moment pour faire notre « grande aventure ».

Le moment idéal dépendait de notre capacité d’épargne et de l’âge des enfants. Nous avions besoin d’au moins 2 à 3 ans pour accumuler suffisamment d’argent, puisqu’en permanence il y avait une seule personne qui travaillait à temps plein, l’autre restait à la maison à temps plein ou jonglait avec les obligations parentales et un travail à temps partiel dans le secteur sans but lucratif. Je le mentionne, car il n’est pas nécessaire d’attendre de gagner à la loterie, de prendre sa retraite ou d’hériter d’un parent riche pour faire un voyage autour du monde.

Nous avons préparé une série de feuilles de calcul pour suivre nos économies, nos projections de coûts et un budget détaillant les dépenses prévisibles (transport, logement, repas, attractions et visites, souvenirs).

Woman with two young girls at a beachNous souhaitions que nos enfants soient assez grands pour être en quelque sorte autonome au quotidien, mais assez jeunes pour éviter tout conflit avec des cours de niveau secondaire ou des idées d’adolescents qui souhaitent s’amuser. Selon nous, l’âge idéal était de 10 ans. Nous avons obtenu l’autorisation du ministère de l’Éducation par l’entremise du directeur de l’école pour éduquer nos enfants à domicile pour le reste de l’année scolaire.

Au début de 2010, lorsque nous avons amorcé notre planification, j’ai occupé plusieurs postes dans des entreprises. À l’automne, je me suis lancée en pratique privée. En 2012, je me suis renseignée sur les choses à faire pour protéger mes clients et ma pratique durant mon congé sabbatique. Il me fallait notamment conclure le plus de dossiers possible, confier la garde du reste des dossiers à d’autres avocats, aviser les consœurs et confrères agissant pour la partie adverse et les tierces parties, selon le cas, du nom du nouvel avocat responsable dans le dossier, désigner un avocat pour traiter avec le Barreau pour mon compte et notifier le Barreau par écrit avant de quitter le pays.

En février 2012, j’ai également accepté un contrat de travail à court terme dans une clinique juridique locale. Au début de 2013, j’avisais mes nouveaux clients que je planifiais mon congé et, lorsque nécessaire, je les mettais en contact avec un nouvel avocat. Le nouveau conseil d’administration de la clinique avait également été avisé que mon contrat ne pouvait pas se prolonger après mars 2013.

Si j’avais travaillé au sein d’un cabinet ou d’un service juridique, j’aurais demandé un congé sans solde et mes congés annuels payés accumulés dans la mesure du possible. Si j’avais travaillé dans la fonction publique en Ontario, j’aurais pu travailler quatre ans et prendre la cinquième année de congé, et recevoir un salaire échelonné sur cinq ans.

Julian a cofondé une entreprise à but non lucratif. À peu près deux ans et demi avant notre voyage, il a avisé ses collègues de l’équipe de gestion qu’il allait prendre un congé sans solde pour environ quatre mois. Il a finalement pris un congé de six mois – cinq mois pour le voyage et un mois pour la remise en état de la maison et la reprise des activités de la famille avant son retour au travail.

À la fin de janvier 2013, nous débutions notre tour du monde. Notre billet à tarif de groupeur nous a mené de Toronto à Newark, au New Jersey, dans la banlieue de New York (JFK), ensuite à Cusco, au Pérou; aux chutes d’Iguaçu, à Rio de Janeiro et à São Paulo, au Brésil; à Johannesburg, en Afrique du Sud; à Istanbul, en Turquie; à Delhi, en Inde; à Katmandou, au Népal; à Bangkok, en Thaïlande; à Singapour, à Singapour; à Sydney, en Australie; Auckland, en Nouvelle-Zélande, puis à Vancouver, en Colombie-Britannique avant de revenir à la maison. Nous avons visité beaucoup d’autres endroits en train ou grâce aux autres moyens de transport locaux.

En tout, nous avons passé 22 semaines à visiter 16 pays et avons pris 28 vols. Au retour, nous avons retrouvé nos clients, qui ont été bien pris en charge pendant notre absence, et nos collègues qui étaient impatients qu’on leur raconte notre belle aventure.

Les programmes de soutien, comme le programme de mentorat de l’ABO, sont d’excellentes ressources pour les avocats qui veulent recevoir des conseils. Il y a aussi le nouveau programme du Barreau du Haut-Canada intitulé Law Practice Coach and Advisor Initiative qui vise à mettre des avocats en contact avec des collègues pour l’obtention de conseils sur des questions pratiques, comme le transfert de dossiers et l’embauche temporaire d’autres avocats.

J’ai rencontré lors de la planification de notre voyage et au cours de notre « grande aventure » – et je rencontre encore aujourd’hui – des avocats qui sont intrigués par le concept de créer leur propre congé sabbatique. La plupart d’entre eux sont très enthousiastes à l’idée de faire un pareil voyage, mais ces derniers rejettent l’idée sur-le-champ. Il pense qu’ils n’auront pas les moyens de le faire sur le plan financier, le plan professionnel ou le plan personnel. Je leur rappelle que les professionnelles, comme les avocats, se trouvent en réalité dans des circonstances idéales pour créer leur propre pause et profiter de leur temps pour voyager le monde, pour écrire le grand roman canadien, pour devenir un peintre – pour réaliser finalement un projet qui saura les rendre heureux et les combler.

Je les mets donc au défi d’aborder un congé sabbatique comme n’importe quelle autre tâche complexe et d’exploiter leurs habiletés en gestion de projets qu’ils possèdent. Le peu de risques est gérable ou ceux-ci peuvent être atténués avec de la prévoyance et des mesures proactives. Car l’expérience en vaut vraiment la chandelle!

Découvrez la grande aventure (The Big Trip) à l’adresse suivante : www.yourturn.ca/thebigtrip/ [en anglais seulement].

À propos de l’auteure

Barbara Warner, Warner Law

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