Assurance des frais juridiques

  • 01 août 2014
  • David Smagata

Une justice abordable, qui est également bonne pour les affaires.

Dans presque toutes les professions, le caractère urgent du moment présent empêche souvent de mettre en perspective les problèmes plus importants.

Comme de nombreux avocats, j’ai été étonné des résultats de l’analyse du World Justice Project de 2014, classant le Canada au 8e rang parmi 24 pays en matière d’accès à la justice civile. Il existe toujours des indications de problèmes de qualité constants au sein du système juridique canadien : délais plus longs avant la tenue de procès, différences dans l’accès à la justice non pénale, moins d’occasions pour les Canadiens à revenu moyen d’accéder à l’aide juridique, un plus grand nombre de Canadiens qui se rendent en cour non représentés par un avocat, et encore plus de personnes qui abandonnent.

En 2012, l’Association du Barreau canadien a réagi en mettant sur pied un Comité de l’accès à la justice, qui a publié en 2013 son rapport Atteindre l’égalité devant la justice : Une invitation à l’imagination et à l’action.

Comme l’indique le comité, « nous devons d’abord faire comprendre l’actuel état déplorable de l’accès à la justice au Canada. Nous devons faire voir les souffrances que causent un accès inadéquat et les énormes divergences entre la promesse de la justice et la réalité semée d’obstacles et d’entraves... [N]ous vivons fondamentalement dans un monde où il y a une abondance de lois, mais une pénurie de ressources juridiques. Nous devons résolument corriger ce déséquilibre. »

Une stratégie clé en matière d’égalité à la justice identifiée dans le rapport du comité était la disponibilité et l’utilisation plus importantes de l’assurance des frais juridiques (AFJ). Tout simplement, l’AFJ fait référence à tout produit qui procure une couverture d’assurance pour des services juridiques spécifiés, moyennant le paiement d’une prime. Comme d’autres formes d’assurance, l’AFJ répartit le risque parmi les titulaires de police, réduisant ainsi les coûts pour chacun d’entre eux.

Bien qu’elle soit relativement nouvelle sur le marché canadien, l’assurance des frais juridiques est née il y a une centaine d’années. Le premier assureur de frais juridiques a été fondé en 1917, au Mans, en France, dans le but particulier de fournir une assurance-responsabilité pour la course automobile des 24 Heures du Mans. Aujourd’hui, DAS œuvre dans 18 pays et est le chef de file mondial de la prestation de services de justice abordables à la classe moyenne. DAS Canada, fondée en 2010, est devenue la première compagnie à commercialiser l’assurance des frais juridiques hors Québec. Elle offre une gamme de couvertures pour particuliers, entreprises et groupes.

L’attrait de l’assurance des frais juridiques est aussi logique qu’émotionnel. Cette assurance permet aux particuliers et aux propriétaires d’entreprise de faire valoir leurs droits ou de les défendre. Elle procure un niveau plus important de certitude et de protection en ce qui concerne les frais imprévus. De plus, elle offre le réconfort de l’accès illimité à des conseils juridiques en tout temps. Elle procure les plus grands avantages aux Canadiens à revenu moyen dont le salaire est trop élevé pour qu’ils puissent faire appel à l’aide juridique, mais dont les ressources ne suffisent généralement pas pour retenir les services d’un avocat.

L’assurance des frais juridiques est répandue en Europe, où elle est souvent vendue en tant que supplément aux polices d’assurances auto et de habitation. Environ 98 % des Suédois, 75 % des résidents de l’Allemagne et de la France et 68 % de la population du Royaume-Uni sont couverts par une forme quelconque d’assurance des frais juridiques.

En dépit de son attrait et de son taux élevé d’acceptation en Europe, son adoption au Canada a été lente, mais nous travaillons à changer cette situation. Le niveau d’acceptation est plus élevé au Québec, où la communauté juridique, par l’entremise du Barreau du Québec, a joué un rôle très actif. Elle a adopté le produit dès ses débuts, en a fait activement la promotion auprès du public et a souligné ses avantages aux autres barreaux. Entre 2003 et 2009, le Barreau du Québec a dépensé plus de 2 millions de dollars pour faire la promotion de l’assurance de frais juridiques, effort qui s’est soldé par la hausse du nombre de familles québécoises assurées de 100 000 à 225 000. L’adoption dans les autres provinces accuse du retard, bien qu’en 2008, le professeur Michael Trebilcock ait urgemment recommandé au Barreau du Haut-Canada et à Aide juridique Ontario d’ « accorder une priorité élevée à la promotion du rôle important de l’assurance juridique en Ontario ».

Une proposition clé du rapport Atteindre l’égalité devant la justice de l’Association du Barreau canadien est que la grande majorité des Canadiens à revenu moyen souscrive une assurance des frais juridiques d’ici 2030. Il est à espérer que l’appui accordé par l’ABC à l’assurance des frais juridiques augmente la sensibilisation à ses avantages importants et la connaissance de ceux-ci.

Il est également possible que la communauté juridique connaisse mal l’assurance des frais juridiques et son fonctionnement. Lorsque je m’entretiens avec d’autres avocats, je constate que certains estiment que l’assurance des frais juridiques est mauvaise pour les affaires. Rien ne serait plus faux. En fait, DAS Canada établit des partenariats avec des avocats-conseils et des avocats spécialisés. La société fait appel à un groupe de plus de 2 000 avocats canadiens, chiffre qui assure son engagement envers la qualité et qui procure à ses partenaires suffisamment de travail.

Selon moi, le principal avantage de l’assurance des frais juridiques est le fait qu’elle permet aux consommateurs et aux propriétaires d’entreprise canadiens d’accéder au système juridique, alors qu’ils ne seraient normalement pas en mesure de le faire. Le fait de rendre le système juridique plus abordable pour les Canadiens à revenu moyen contribuera à soutenir les efforts de l’Association du Barreau canadien et à développer le marché global pour les services juridiques. Bien que certains avocats considèrent que l’assurance des frais juridiques est une menace concurrentielle, d’autres n’ont pas tardé à en prôner les avantages. Jamie Bleay, un avocat avec Access Law Group de Vancouver, a indiqué récemment que « [traduction] l’assurance des frais juridiques peut permettre aux parties assurées de retenir les services d’un avocat, ce qu’elles n’auraient pas nécessairement pu se permettre de faire sans assurance. Selon moi, le marché des services juridiques devrait bénéficier de la disponibilité d’une telle couverture d’assurance  pour un plus grand nombre de personnes… Jusqu’à maintenant, nous avons été exposés davantage de clients au sein du marché… qui, autrement, auraient estimé qu’ils n’avaient pas les moyens de payer nos services juridiques. »

Des avocats tels que Maître Bleay reconnaissent que le verre de l’assurance des frais juridiques est à demi plein, et non à demi vide. L’adoption de l’assurance des frais juridiques rend les services de justice abordables pour la classe moyenne : c’est la bonne chose à faire et c’est très sensé sur le plan des affaires.


David SmagataA propos de l'auteur

David Smagata est vice-président des demandes d’indemnisation et de la souscription, directeur des affaires juridiques et agent des plaintes de DAS Canada.

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