Réflexions sur l’accès à la justice
Dans les deux derniers numéros de JUSTE., j’ai parlé des avocats qui aident les avocats et des avocats qui aident à bâtir des communautés plus solides. Dans ce numéro, je parle des avocats qui aident à réformer le système de justice au sein duquel nous œuvrons tous.
En avril dernier, j’ai assisté au « Sommet Nouveau regard sur l’égalité devant la justice » de l’ABC, qui a eu lieu à Vancouver. Environ 200 personnes de tous les coins du pays ont participé à cet événement : avocats, juges, professeurs, avocats bénévoles, avocats de l’aide juridique, maisons d’édition juridiques et administrateurs de tribunaux. Le programme était bien étudié, bien planifié et bien présenté. Les coprésidents, Melina Buckley et John Sims, leur comité et la directrice de projet de l’ABC, Gaylene Schellenberg, peuvent tous être fiers d’un travail bien fait.
Comme vous le savez déjà, la visibilité des initiatives de l’accès à la justice a augmenté au cours des dernières années, depuis l’appel à l’action de la juge en chef McLachlin. On dit souvent que notre système de justice est en crise, avec la prolifération de plaideurs qui se représentent eux-mêmes, les délais judiciaires, les frais associés aux litiges et le manque de fonds pour l’aide juridique.
Tom Conway, secrétaire de notre Barreau, a rappelé, lors de l’assemblée plénière de la conférence, que les dispositions législatives habilitantes du Barreau du Haut-Canada lui ordonnent de « fournir son mandat de base d’une manière qui facilite l’accès à la justice ». Dans cette optique, il a fait de l’accès à la justice une priorité du Barreau pour les deux prochaines années.
Avant d’assister au sommet, j’ai assisté à une des réunions du comité consultatif du trésorier concernant l’accès à la justice, dans lesquelles il avait invité les dirigeants des associations juridiques provinciales présentes à indiquer ce que faisaient leurs organisations en ce qui concerne l’accès à la justice. Les réponses ont démontré la diversité des définitions de l’accès à la justice et de la manière dont il pouvait être amélioré. Par exemple, l’Association des bâtonniers de comtés et districts estime qu’il est important de voyager dans la province, d’écouter les avocats locaux, de découvrir les endroits où des juges et des palais de justice sont requis, avant de faire du lobbying auprès des députés provinciaux et fédéraux pour obtenir davantage de juges et de ressources. The Advocates Society considère que l’accès à la justice est l’une de ses fonctions de base; elle y contribue grâce à sa participation au comité des règlements, à des efforts bénévoles et à son implication auprès du banc et du barreau. Pour la Paralegal Society of Canada, l’une des réponses était un élargissement du champ d’exercice des parajuristes, leur inclusion dans les cabinets d’avocat et la collaboration avec l’ABO et d’autres organisations. (Lors de la conférence sur la justice de l’ABC, le trésorier Conway a affirmé que « les parajuristes joueront un rôle beaucoup plus important à l’avenir » et que nous devons faire attention à leur formation et à leurs études.)
J’ai recommandé au trésorier de consulter le dernier article du comité d’action de l’ABC (avril 2013), contenant une discussion de différents véhicules permettant d’évaluer la réussite relative de la facilitation de l’accès à la justice. Les mesures disponibles à l’échelle internationale ne sont pas flatteuses pour le Canada. Par exemple, le World Justice Project, que nous a fait connaître la juge McLachlin, a classé le Canada respectivement au 8e rang sur 16 et au 9e rang sur 16 en ce qui concerne l’accès à la justice pour les affaires criminelles et civiles parmi les pays d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest. La plupart d’entre nous pensent que nous pouvons faire mieux et que nous devons faire mieux.
Au Sommet, nous avons appris qu’historiquement, l’aide juridique était financée à parts égales par les provinces et le gouvernement fédéral et que le rapport de financement a changé et s’établit maintenant à 80 % aux provinces et seulement 20 % au fédéral. En ce qui concerne l’accès à l’aide juridique, le Canada se classe au 59e rang mondial. Ici encore, la plupart d’entre nous pensent que nous pouvons faire mieux et que nous devons faire mieux.
Plusieurs conférenciers ont commenté le fait que le public et les politiciens acceptent volontiers de financer le système de santé, parce que tout le monde aura un problème de santé un jour ou l’autre. On oublie le fait que selon une étude, pendant une période de trois ans terminée en 2009, neuf millions de Canadiens avaient eu un problème qui a nécessité l’accès à la justice. La plupart estiment que nous pouvons augmenter la visibilité des questions relatives à la justice, étant donné la fréquence à laquelle les Canadiens ont recours au système.
Peut-être par-dessus tout, les participants au Sommet ont entendu à maintes reprises que l’impact de l’accès à la justice (ou de son manque) était le plus important pour les personnes les plus vulnérables et défavorisées, y compris les personnes handicapées, les minorités et celles qui vivent dans la pauvreté. Bien qu’il n’existe aucune étude canadienne, une étude effectuée au Texas estime que chaque dollar dépensé pour le système de justice permettait de remettre sept dollars dans l’économie. Selon un participant, nous ne connaissons pas la mesure dans laquelle il existe des problèmes d’accès à la justice au Canada, car peu d’attention a été accordée au problème et les études sur le sujet sont rares. Il est significatif que le Canada ne possède aucune mesure permettant de déterminer ce qui se passe d’une année à l’autre ou d’une décennie à l’autre.
L’ABC publiera un rapport complet lors du CLC qui se tiendra à Saskatoon en août. Il n’est pas à douter qu’il stimulera d’autres discussions et qu’il contiendra un appel à l’action renouvelé.
En attendant, je suggère qu’il est temps de faire progresser cette question dans les rangs des membres de l’ABO et je rappelle aux dirigeants politiques et communautaires qu’un système de justice sain et bien financé est essentiel à la bonne santé d’une société juste ainsi qu’au respect de la primauté du droit. Il faut également rappeler à nos dirigeants politiques qu’un financement insuffisant du système de justice affecte tout le monde, et particulièrement les personnes défavorisées.
Les preuves statistiques indiquent que nous prenons du retard par rapport à une bonne partie de la planète en ce qui concerne le financement à l’aide juridique et l’accès à la justice. L’ABO doit continuer à s’attaquer à ces questions afin que nos voix soient entendues par les décideurs.